Rupert
Buxton est le jeune homme qui s'était noyé avec
Michael Llewelyn Davies. On a longtemps pensé qu'il
avait pu s'agir d'un double suicide, mais Andrew Birkin, suite
à la découverte de nouveaux éléments,
pense que ce ne fut pas le cas (et telle a toujours été
d'ailleurs son opinion : "I never believed it was suicide,
but now I am utterly convinced that it was indeed a tragic accident
in which Rupert tried to save Michael and was dragged down with
him." Message sur le forum ANON, le 4 mai 2007). Rupert aurait
essayé de sauver Michael de la noyade et aurait sombré
avec lui.
Cette page (en construction) a été
conçue à partir du travail, en anglais, d'Andrew
Birkin, avec son aimable permission et ses encouragements
amicaux. Ces informations inédites lui ont été
transmises par Nicholas McAulay et la photographie,
ainsi que la copie de deux lettres de Rupert à sa mère,
par Sir Jocelyn Buxton. Nicholas McAulay a aussi
fourni une notice nécrologique magnifique écrite
(sans nom d'auteur) dans le journal de
Harrow. Celle-ci offre une vision très différente
de celle de Robert Boothby (Cf. le ivre d'Andrew
Birkin, Lost Boys, pp. 282-285, passim) qui évoquait
une influence morbide de Rupert sur Michael.
[Michael Llewelyn Davies, Robert (qui deviendra
Lord, par la suite) Boothby et la famille Oliver - août
1918 - photographie qui appartient au site d'Andrew
Birkin.]
La notice évoquée plus haut :
Andrew écrit sur son site qu'il regrette
de n'en avoir pas eu connaissance pour son livre.
Extraits traduits par mes soins, en attendant d'avoir
le temps de faire mieux :
"(...) Rupert et Michael étaient de très bons
amis. On pense que Rupert a donné sa vie pour sauver Michael.
Il est délicat d'être désolé pour deux
amis qui meurent dans de telles circonstances. Autant l'un que
l'autre, Rupert et Michael étaient très aimés.
L'un et l'autre étaient de véritables amoureux de
la nature, comme il en existe peu. Ils détestaient l'artifice
et l'arrivisme. Ils portaient à leur acmé leur détestation
de ces choses (...) Rupert était certainement très
sensible. Il souffrait des travers des autres et de chagrins.
A l'instar de Michael, il pouvait être arrogant et égoïste
; mais, comme Michael également, il éprouvait une
compassion extrême pour les pauvres et les malheureux. Les
gens modestes pensaient toujours à lui comme à une
sorte de saint dès qu'ils posaient les yeux sur lui. Il
était une espèce de sauvage au coeur tendre. Les
conditions de la vie civilisée ne lui convenaient pas non
plus. Il avait l'habitude de passer d'étranges journée
dans Londres [Il disparaissait des jours. Cf. les articles
du Times à la fin de cette page, qui relatent
vraisemblablement une de ces escapades qui aurait un peu mal tourné...],
inconnu de tous, se faisant ami d'étranges marginaux, tels
des artistes de rue et des colporteurs. Il était un Robin
des Bois et un Chevalier Errant (1). Il était le premier
Maître à la Maison ou à Harrow qui n'usa jamais
de son privilège pour frapper* d'autres garçons
(...) Rupert et Michael ne sortaient pas de leur voie afin de
plaire aux autres et ils n' étaient, en aucune façon,
exceptionnellement utiles aux membres de la Société
- entendons dans un sens matériel. Toutefois, celui qui
entrait en contact avec eux reconnaissait qu'ils avaient reçu
en partage, plus que quiconque, une personnalité. En eux
rougeoyait, d'une inhabituelle chaleur, un feu prométhéen
plus précieux que les mots ne peuvent le dire. Ils étaient
naturellement purs (...) et ne furent jamais aussi heureux que
durant leur dernier trimestre (...) Eton et Harrow n'ont jamais
produit deux plus charmants et adorables garçons. L'un
ou l'autre aurait pu devenir un immortel génie ou un martyre.
Dieu est amour et "aucun amour n'est plus noble que celui
qui vit en l'être - tel était l'amour de Rupert -
qui abandonne sa vie pour sauver celle de son ami"(2). Et
il n'y a aucun doute - est-il besoin de le préciser ? -
que Michael aurait accompli le même sacrifice pour Rupert."
(1) Personnage de la littérature médiévale,
en quête d'aventures, pour se prouver sa valeur (par exemple,
Don Quichotte).
(2) Citation de l'Evangile selon Saint Jean, 15, 13.
* Dans ce genre d'écoles, il était des coutumes
"spéciales", des droits que les plus grands s'accordaient
de facto sur leurs cadets... Andrew précise, sur son site,
qu'il était lui-même à Harrow dans les années
60 et qu'il n'a jamais entendu parler de tels "privilèges"...
[Cliquez sur les images de cette page pour les agrandir - Photographie,
ici, du jeune homme, vers 1920, transmise par la famille de Rupert
Buxton... ]
Lettres en date du 4 avril 1920. Andrew nous précise
que Rupert écrivait à sa mère aussi souvent
que Michael à Barrie.
"I have had a most successful time in Surrey with Michael
Davies. I am sorry to say that I did not get through a great deal
of work, as the country was so lovely, and there was such a lot
to do. Our last few days were the best - actually the last two.
We took an expedition walking from the neighbourhood of Chichester
to Beachy Head, the whole length of the South Downs, keeping to
the crest of the ridge all the time. Some day we must do that
walk together, but not quite so quickly as we did it. We did 35
miles a day. I have never known such a walk for views - southward
over the hills to the sea and northward over the whole expanse
of Sussex & Surrey on a narrow grassy plain with steep sides
covered with primroses, violets, cowslips & wood anemones.
A most inspiring plan [?] to walk on. I can well understand the
enthusuasm of Belloc & Kipling for the 'great hills of the
south country' and the patriotism that they breed."
(Transcription d'Andrew
Birkin de la première page)
Il ne me reste plus qu'à me rendre dans le Surrey, chers
amis lecteurs...
Deux articles extraits du Times, qui évoquent
une "disparition" de Rupert Buxton assez étrange
[traduction : bientôt] :
Comment expliquer que le Times fit une telle place à
cet événement, puisque Rupert Buxton n'était
pas une figure majeure de l'actualité ? se demande Andrew
Birkin - et moi aussi.
Andrew Birkin a connaissance d'une lettre très
émouvante de Barrie à Lady Buxton, la mère
de Rupert, en date du 31 mai 1921. Ce dernier et Barrie ressentaient
beaucoup d'affection l'un envers l'autre.
Andrew a réussi à déchiffrer l'impossible
écriture de Barrie :
Adelphi Terrace House,
31 May 1921.
Dear Lady Buxton,
I have just read your very kind letter, but I have been thinking
a great deal about you since the 19th and feeling sorrowful for
you. I am very glad that you have a daughter. Michael was son
and daughter to me, and all I have been doing of any account in
the last ten years was trying to be father and mother to him.
I cared for him a great deal too much but the circumstances of
our two lives perhaps excused it. I should like by and by to be
allowed to see Rupert’s sister, with the hope that she might
come in time to look upon me as a friend. I suppose I knew Rupert
more intimately than you knew Michael. There is not any subject
I can pretend to know much about, but I know more about boys than
any other, and one of my grand ambitions for Michael was that
he should form a deep friendship for some one who was worthy of
him. This was slow in coming, for tho’ there were a few
at Eton for whom he had a warm attachment, continued at Oxford
and elsewhere, Rupert was the one great friend of his life. He
has often talked to me about this, sometimes for hours, far into
the night, reappearing to do it after he had gone to bed, and
the last letter I had from him, on the day they died, was largely
about your boy. Rupert treated me quite differently from any other
of my various boys’ friends. They were always polite and
edged away from me, as of a different generation, but he took
for granted that Michael’s friend should be mine also. Michael
knew me and my ways as no other person did, and he was more amused
than words can tell by the way Rupert took me in hand. I shall
never forget the glee with which he told me one day that Rupert
was going to ask me to dinner all alone, and how I hoped Rupert
would, and how he did and also came to me. I was very proud of
his treating me in that way, and Michael knew I liked it, and
I daresay the two of them chuckled over it, for they could both
be very gay tho’ neither was facing life lightly. They were
either wildly gay or very serious as they walked together to Sandford.
My deep sympathy to Rupert’s mother and his relations.
Yours sincerely,
J. M. Barrie
Rapidement, nous pourrions traduire ainsi ces mots si révélateurs
de la personnalité de Barrie (je les commenterai plus tard,
soucieuse de restituer au plus vite ces éléments
nouveaux) :
Adelphi
Terrace House,
Le 31 mai 1921,
Chère Lady Buxton,
Je viens de lire à l'instant votre très aimable
lettre, mais je n'ai pas cessé de beaucoup penser à
vous depuis le 19 et je me sentais douloureusement triste pour
vous. Je suis heureux que vous ayez une fille. Michael était
un fils et une fille pour moi ; tout ce que j'ai fait ces dix
dernières années n'était rien d'autre qu'être
à la fois un père et une mère pour lui. Je
m'occupais beaucoup trop de lui, mais les circonstances de nos
deux vies, peut-être, peuvent justifier cela. J'aimerais
être, de temps en temps, autorisé à rencontrer
la soeur de Rupert, formulant l'espoir qu'elle pourrait à
la longue me considérer comme un ami. Je pense que je connaissais
Rupert plus intimement que vous ne connaissiez Michael. Il n'y
aucune matière précise sur laquelle je puisse prétendre
être très informé, mais j'en sais plus au
sujet des garçons que n'importe qui d'autre. L'une de mes
grandes ambitions pour Michael était qu'il nouât
une amitié profonde avec un garçon digne de lui.
Ceci mit du temps à advenir. En effet, bien qu'il éprouvât
un attachement chaleureux pour quelques rares garçons à
Eton, lien prolongé à Oxford ou ailleurs, Rupert
était le seul grand ami de sa vie. Il m'a souvent parlé
de cela, parfois pendant des heures, jusque tard dans la nuit,
recommençant la discussion même après avoir
été au lit. La dernière lettre que j'ai reçue
de lui, le jour où ils sont morts, était largement
consacrée à votre fils. Rupert me traitait très
différemment des divers amis de mes garçons. Ils
étaient toujours polis mais me tenaient à l'écart
- comme une personne d'une autre génération -, tandis
que lui considérait comme allant de soi que l'ami de Michael
devait être aussi le mien. Michael me connaissait, ma personne
et mes manières, mieux que quiconque, et était amusé
plus qu'il n'est possible de le dire de la façon dont Rupert
me prenait en main. Je n'oublierai jamais la jubilation avec laquelle
il me raconta qu'un jour Rupert était sur le point de m'inviter
à un dîner en tête à tête et combien
j'espérais que Rupert me ferait cette proposition, puis
comment il la fit et vint à moi. J'étais très
fier qu'il me considérât ainsi et Michael savait
que j'appréciais cette attitude. J'ose dire que ces deux-là
ont ri sous cape à cette occasion, car ils pouvaient être
tous les deux très joyeux, même si aucun d'eux ne
faisait face à la vie avec légèreté.
Ils étaient ou follement joyeux ou très sérieux
quand ils marchaient, ensemble, vers Sandford.
Ma profonde compassion à la mère de Rupert et à
son entourage.
Très sincèrement,
J.M. Barrie.
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