Le monde de James Matthew Barrie


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Qui est donc ce "Le Coq" ou ce "Sea-Cook" qui ne craint que le Capitaine Crochet ?



Début de réflexion... Entre cook et cock, le tout mâtiné de royauté...

Suite à une conversation avec mon ami Jean-Sébastien Piers, être aussi cultivé que subtil, et à la faveur d'un courrier provenant d'un auteur, Manuel Gautier, qui a écrit une pièce [à télécharger ici, avec son autorisation] autour de Peter Pan, nous en sommes venus à parler de certaines relations du Capitaine Crochet avec un autre personnage célèbre de la littérature anglo-saxonne...

Comment traduire Sea-Cook ? Est-il légitime de traduire par "Le Coq" ?

The «sea-cook » est une référence à Stevenson, l’ami de Barrie.






[Peinture de John Singer Sargent, qui représente Stevenson et sa femme, Fanny, en robe indienne, dans leur maison de Bournemouth. Elle se tient sur la chaise de... Henry James, qui aimait à s'y asseoir!]

C’est un clin d’œil à lui destiné. « Sea-Cook », c’est un petit nom pour Silver !






[Illustration de Georges Roux]

C’est dit à mi-mots. Et Silver et Hook ont un membre en moins… et je ne fais pas de jeux de mots douteux. Sans oublier que Silver fut créé à partir de l'image d'un personnage réel, William Henley, le père de la petite fille qui inspira à Barrie le prénom de Wendy. Stevenson et Henley étaient amis et ont même écrit à quatre mains des pièces,


[Cliquez pour agrandir l'image.]

 

avant qu'ils ne fâchent, car Henley

avait répandu la rumeur selon laquelle Fanny, l'épouse de Stevenson, était un plagiaire...

« Sea-Cook » n’apparaît pas dans la pièce, ni dans ses versions antérieures, sauf erreur de ma part, simplement dans le roman, à deux endroits. A noter que chez Stevenson, "sea-cook" est sans majuscules, car il désigne une fonction, alors qu'il porte capitales chez Barrie, car il est élevé au rang de nom propre :

"In the midst of them, the blackest and largest in that dark setting, reclined James Hook, or as he wrote himself, Jas. Hook, of whom it is said he was the only man that the Sea-Cook feared. He lay at his ease in a rough chariot drawn and propelled by his men, and instead of a right hand he had the iron hook with which ever and anon he encouraged them to increase their pace. As dogs this terrible man treated and addressed them, and as dogs they obeyed him. In person he was cadaverous [dead looking] and blackavized [dark faced], and his hair was dressed in long curls, which at a little distance looked like black candles, and gave a singularly threatening expression to his handsome countenance. His eyes were of the blue of the forget-me-not, and of a profound melancholy, save when he was plunging his hook into you, at which time two red spots appeared in them and lit them up horribly. In manner, something of the grand seigneur still clung to him, so that he even ripped you up with an air, and I have been told that he was a RACONTEUR [storyteller] of repute. He was never more sinister than when he was most polite, which is probably the truest test of breeding; and the elegance of his diction, even when he was swearing, no less than the distinction of his demeanour, showed him one of a different cast from his crew. A man of indomitable courage, it was said that the only thing he shied at was the sight of his own blood, which was thick and of an unusual colour. In dress he somewhat aped the attire associated with the name of Charles II, having heard it said in some earlier period of his career that he bore a strange resemblance to the ill-fated Stuarts; and in his mouth he had a holder of his own contrivance which enabled him to smoke two cigars at once. But undoubtedly the grimmest part of him was his iron claw."

Chapitre V

Des yeux bleus de la couleur des myosotis qui reflétaient une mélancolie... Oui... On dirait un portrait de Barrie... Je m'arrête ici car je vais en dire trop.

"Some of the greatest heroes have confessed that just before they fell to [began combat] they had a sinking [feeling in the stomach]. Had it been so with Peter at that moment I would admit it. After all, he was the only man that the Sea-Cook had feared. But Peter had no sinking, he had one feeling only, gladness; and he gnashed his pretty teeth with joy. Quick as thought he snatched a knife from Hook's belt and was about to drive it home, when he saw that he was higher up the rock that his foe. It would not have been fighting fair. He gave the pirate a hand to help him up."

Chapitre VIII

Il est vrai qu’il est amusant de manipuler les mots, les traductions, et parfois c’est involontairement fructueux, selon le principe de la Serendipity, que j’invoque trop, mais je ne crois pas vraiment que cela ait un sens pour Barrie de traduire par « Coq ». La sonorité différente ne permet pas un jeu de mots, ni l’étymologie anglaise différente pour les deux mots. Mais on peut toujours creuser.

Quant au mot « cock » dans son usage vulgaire, cela me rappelle un livre que j’adore, dont je parle tout le temps, Tristram Shandy, a cock and bull story. Une histoire « sans queue ni tête » ou bien une histoire de B. et de C. D’ailleurs, Shandy et Sterne ne sont pas ignorés de Barrie, bien au contraire… On peut aller très loin comme ceci ! « Du coq... à l’âne » !!! Jusqu’à Robert Burton et son Anatomie de la mélancolie, où l’expression est pour la première fois employée, semble-t-il.

La traduction française que je possède du roman Peter Pan est celle en Folio Junior et, même si je ne l’ai pas encore comparée point par point à l’original en anglais, je la crois assez bonne, bien que non parfaite (mais qui pourrait s’en prévaloir ?) et émaillée de petites erreurs. Il traduit Sea-cook par Le Coq (traduction élégante à mes yeux et très valable). Cela peut se justifier, dans la langue de Molière, par le fait que le mot désigne un cuisinier. Je vous recopie mon Littré.

ÉMILE LITTRÉ

2. COQ (kok), s. m.

1° Terme de marine. Le cuisinier à bord des grands bâtiments.

2° Dans les corderies, se dit de l'ouvrier qui fait chauffer le goudron.

ÉTYMOLOGIE.

Allem. Koch, cuisinier (beaucoup de termes de marine venant de l'allemand), qui lui-même vient du latin coquus (voy. QUEUX, s. m.).

Mais il faut bien comprendre que l’étymologie du mot coq (le cuisinier) n’est pas la même en français que celle du coq (l’animal) ; il y a deux coqs.

Je recopie encore Littré pour cette dernière étymologie :

Picard, cou, co ; Berry, cô ; pays de Coire, cot ; anglo-sax. coco ; angl. cock ; bas-bret. kok. D'après Diez, c'est une onomatopée. Palsgrave écrit, au pluriel, quoqz, prononcé quoz. Dans l'ancien français, au nominatif singulier, li cos ; au régime singulier, le coc ; au nominatif pluriel, li coc ; au régime pluriel, les cos.

Par conséquent, cela clôt le problème du Coq. On peut lui tordre le cou. Ou vais-je trop vite en besogne ?

En tout cas, des mots dérivés de cock, qui indiquent la fierté du coq (cocky, cockiness…) qualifient à plusieurs reprises… Peter Pan !

Sir J. M. Barrie au sujet de la "cockiness" (impudence, effronterie, vantardise) de Peter Pan :

« (…) s’il n’y avait que bonté en vous, il n’y aurait en vous aucune histoire. Les fées sont si entichées des histoires qu’à votre baptême elles déposent sur votre coeur un défaut moral, c’est le germe des histoires. »


Et Peter n’aurait-il pas tué « Silver » ? Il me semble que c’est suggéré ! De là à imaginer qu’il prenne ses attributs… De même que Peter Pan prend les habits de Hook et les taille à sa mesure après la défaite de ce dernier, comme l’explique la tante de Hook dans le discours de Barrie…

Juste pour le plaisir de l’anecdote, une des sources de Barrie pour James Hook pourrait être le livre du Capitaine Charles Johnson (peut-être un pseudonyme de Daniel Defoe… Mais on n’est sûr de rien !), auteur d’A general history of the robberies and murders of the most notorious pirates !

James Hook est décrit ainsi :

« “Hook”, answered Peter, and his face became very stern as he said that hated word.

- Jas. Hook?"

- Ay."

Then indeed Michael began to cry, and even John could speak in gulps only, for they knew Hook's reputation.

"He was Blackbeard's bo'sun," John whispered huskily. "He is the worst of them all. He is the only man of whom Barbecue was afraid."

Barbecue est, à l’instar du sea-cook, le nom de Silver.

Et aussi ceci :

“Hook was not his true name. To reveal who he really was would even at this date set the country in a blaze; but as those who read between the lines must already have guessed, he had been at a famous public school; and its traditions still clung to him like garments, with which indeed they are largely concerned. Thus it was offensive to him even now to board a ship in the same dress in which he grappled her, and he still adhered in his walk to the school's distinguished slouch. But above all he retained the passion for good form.”

Mais quel est donc le nom véritable de Hook ? J’ai des hypothèses mais je ne suis sûre de rien. Personne ne peut l'être, mais Hook a du sang bleu c'est certain. Bleu et... jaune si l'on se réfère au discours de Barrie/Hook à Eton. Ces couleurs ont un sens. Pardonnez-moi si je me plais à demeurer encore un peu sibylline. J'ai mes raisons. Beaucoup de choses à vérifier et peu de temps pour le faire.

Comment s’appelait Hook avant de perdre sa main ? Vous vous doutez que je réserve ces conclusions pour un ouvrage à paraître.

Barrie, dans son discours semble avoir beaucoup d’affection pour Hook. Je n'en suis pas étonnée outre mesure. Il est Hook à bien des égards, de même qu'il est quelquefois McConnachie...

“«James Hook, the pirate captain, was a great Etonian not a good one. » Now in my opinion Hook was a good Etonian though not a great one (…)”

Discours dont s’est inspiré James V. Hart

[Traduction française de l'ouvrage]

 

pour écrire la jeunesse de Peter Pan. Le livre est illustré en version originale par Brett Helquist, dont j'apprécie beaucoup le travail. La figure de Crochet est joliment mise en valeur par cette couverture, ne trouvez-vous pas ? James V. Hart a d’ailleurs (mais vous le savez encore, ami lecteur) écrit le script du film de Spielberg

(que j’aime assez par la présence de Julia Roberts, ma fée personnelle, sinon pour le reste...).

Il existe aussi quatre comic-books qui reprennent l'histoire développée dans le film.



 

 

à suivre...