Le monde de James Matthew Barrie


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« La Marraine Fée conçue aussi comme la Mère Morte. »


(Barrie in Carnet numéro 27, en date de l’année 1905, note écrite au sujet de Cendrillon, vraisemblablement dans l’idée de la pièce qui verra le jour plusieurs années après.)

 

La pièce de J.M. Barrie a été adaptée au cinéma, en 1925, par Herbert Brenon, celui-là même qui avait porté à l'écran Peter Pan. Betty Bronson, la délicieuse interprète de Peter Pan dans son précédent film trouva sûrement ici son plus beau rôle, si l'on se fie à tous les critiques de cette époque du cinéma muet.

[Herbert Brenon et Betty Bronson]

 

[L'affiche.]

Distribution :
Betty Bronson : The Girl Cinderella
Tom Moore : Policeman
Esther Ralston: Fairy Godmother
Ivan Simpson : Mr. Cutaway
Henry Vibart : Richard Bodie
Dorothy Walters : Mrs. Maloney
Mary Christian : Sally
Patty Coakley : Marie-Therese
Dorothy Cumming : The Queen
Flora Finch : 2nd Customer
Edna Hagen : Gretchen
Marilyn McLaine : Gladys
Juliet Brenon : 3rd Customer

Équipe de tournage :
Herbert Brenon : Director
James M. Barrie : Screenwriter
Townsend Martin : Screenwriter
Willis Goldbeck : Screenwriter
Roy Hunt : Cinematographer
J.M. Barrie : Play Author
Julian Boone Fleming : Production Designer

 

Argument :

Adaptation pleine de fantaisie de la non moins fantaisiste pièce de Barrie, il semble que ce ne soit pas la magie créée par le procédé cinématographique qui ait créé l'engouement pour ce film, mais des qualités plus profondes. Avec le temps, il devint un classique du genre et fut considéré comme un chef-d'oeuvre, surpassant très nettement Peter Pan. Il s'inscrit cependant dans la lignée de ce dernier. Personnellement, c'est l'une des oeuvres que j'apprécie le plus dans l'oeuvre dramaturgique de Jamie.

L'histoire débute avec une très jeune femme, presque une enfant, qui prend soin d'orphelins (cela rappelle à bien des égards le début de Little Mary). Un rai de lumière qui vient violer la loi du couvre-feu, durant la première guerre mondiale, alors qu'un raid aérien lézarde le ciel de Londres, trahit sa présence. Un policier cherche la source de la lumière et la trouve en la personne de la jeune fille, qui le captive par son imagination débordante. La jeune femme tombe dans la neige, dans des circonstances qui ressemblent à celles qui enveloppent la mort de la Petite Fille aux allumettes d'Andersen. Elle se met à rêver, elle aussi. Tout se transforme soudain autour d'elle. Elle devient Cendrillon qui attend son bonne fée marraine... Elle attend le bal auquel elle assistera, tandis que sa vie et son imaginaire se mêlent trop fort...


{Article sur les costumes du Bal. Cliquez pour agrandir l'image.}

Barrie prend grand soin ici de l'âme des contes de fées.

****************

Deux photographies éditées en 1927, tirées du film.
Betty Bronson dans le rôle de Cinderella et Tom Moore dans celui du Prince

[Vous pouvez agrandir les photographies en cliquant ici.]

Quelques autres clichés :

 

 

J’ai enfin réussi à mettre la main sur une copie de ce film très rare. Lors de mon séjour dans la ville qui ne dort jamais, je n’avais pas pu le voir au MOMA, où une copie est conservée. Cela faisait des années que je recherchais ce film, en vain. Il ne faut jamais désespérer…

Toutes les captures d’écran sont le fruit de mon travail, à partir de ma copie vidéo du film. Merci de ne pas les reprendre en votre nom…

*

Avant le film, en 1916, c'est Maude Adams (ex-Peter Pan) qui incarna cette nouvelle Cendrillon sur scène, ce fut d'ailleurs son dernier rôle.
A noter que dans les années 30, Henry Fonda jouera dans une version de cette pièce. Et, en 1925/1926, c'est Hilda Trevelyan (ancienne et première Wendy) qui joua le rôle de Cendrillon.

 

Revue de presse consacrée à la pièce, Cinderella interprétée par Maude Adams :

 

Certains des documents présents (les coupures de presse) sur cette page ont été empruntés à ce site-ci.  

Alors ? Une comédie ou une tragédie ? La plus déchirante des tragédies, bien entendu.

***
*

Cette pièce en trois actes a été créée au Wyndham’s Theatre, le 16 mars 1916, [photo du programme : à venir] avec la distribution suivante :



M. Bodie…………………………………………………………………………………O.B. Clarence
Notre Policier………………………………………………………………………….Gerald du Maurier
Mademoiselle Chose………………………………………………………………..Hilda Trevelyan


L’homme au manteau………………………………………………………………J.W. Macdonald
Madame Maloney……………………………………………………………………Alma Ellerslie
Une fière épouse……………………………………………………………………..Elspeth Douglas Reid
Un marchand………………………………………………………………………….Ernest Graha
Marie Thérèse…………………………………………………………………………Violette Kemplen
Gladys…………………………………………………………………………………….Babs Farren
Delphine…………………………………………………………………………………Alma Bersey
Gretchen…………………………………………………………………………………Sunday Wilshin
Une marraine…………………………………………………………………………..Stella Campbell
Le Maire………………………………………………………………………………….Lyston Lyle
Lord Temps……………………………………………………………………………..T. Gideon Warren
Le Bourreau.……………………………………………………………………………D. E. Jefferies
Un Roi…………………………………………………………………………………….William Lugg
Une Reine……………………………………………………………………………….Edith Johnston
Un Prince………………………………………………………………………………..Gerald du Maurier
Un page…………………………………………………………………………………..Master Ronald Hammond
Un Pingouin…………………………………………………………………………….F. Mortimer
Une bonne……………………………………………………………………………….Beatrice Fitzgerald
Docteur Brodie…………………………………………………………………………Henrietta Watson
Danny……………………………………………………………………………………...A. E. George
Une employée à l’essai……………………………………………………………….Elizabeth Pollock

Les rivales : Joan Challis, Esme Biddle, Helen Hamilton, Molly Kelly, Olive Royston, Archie Alban, Noel Barker et Nan Wilcox.

Le très beau film qui en fut tiré est l'oeuvre qui nous intéresse plus particulièrement – sa réputation du moins le précède et il suffit de lire, par exemple, la notice de l’érudit cinéphile Robert K. Klepper, dans son ouvrage Silent Films - qui fait référence -, pour s’en convaincre. De longs passages consacrés à ce film sont disponibles dans cette étude-ci.

 

Ce témoignage est précieux car il ne reste que peu de souvenirs de ce film à disposition du très grand public.

Le cinéaste, qui avait déjà porté à l’écran la première adaptation muette de Peter Pan, qui n’a à ce jour pas d’égal, ni en originalité ni en fidélité, et ce malgré le peu de moyens de l’époque, a réalisé un film qui paraît exceptionnel. Il semble au moins que le film ne soit pas tout à fait perdu. Fautes de soins appropriés, il ne reste à notre connaissance qu'une seule copie au monde, qui soit avérée. Dernièrement, on en trouva une trace dans ces lieux : la Cinemathèque Royale, le Museum of Modern Art et l'UCLA. Mais le MOMA est le seul endroit qui ait confirmé posséder une copie du film - elle est même présentée dans le catalogue. Il appartiendrait, d’un point de vue moral, à la Paramount de l’éditer, si cela est encore possible… même si le film est tombé dans le domaine public depuis 2001.

Il sortit sur les écrans en 1925, un an après ce fameux Peter Pan et surpasse de très loin, semble-t-il, puisque je n'ai pas trouvé un seul avis discordant, ce dernier film, malgré l’indéniable charme du Peter Pan de Brenon.

Brenon suit pas à pas la pièce de James Matthew Barrie, avec une seule différence notable, concernant l’un des trois vœux accordés à Cendrillon. Brenon parvient à user d’effets spéciaux hallucinants : la transformation de la citrouille et des souris en carrosse et en chevaux. L’auteur susmentionné (Klepper) précise n’avoir vu ce film qu’une fois, à l’âge de quatorze ans, et ce souvenir ne s’est jamais effacé de son esprit. Le film ne connut cependant pas le succès : trop complexe pour les enfants et de peu d’intérêt pour des adultes, fascinés par d’autres choses – moins délicates, sûrement…


J.M. Barrie a toujours été amoureux de Cendrillon, qui est la femme qui revient peut-être le plus fréquemment dans ses "Carnets" et dans ses histoires : A Lady’s Shoe, les incursions du personnage dans Le Petit Oiseau blanc, dans Tommy et Grizel. Elle semble incarner, pour lui, un idéal de pureté morale et de courage, portant en elle les valeurs de la féminité et de la maternité conjuguées sans heurts. La femme-enfant, idéal qui n’était pas encore né à son époque et qu’il a étonnamment plus ou moins esquissé dans sa perfection.

Seul un Robert Walser, peut-être, a su donner aux contes un lustre nouveau, aussi beau que celui que Barrie offre à ce personnage éternel du conte. Sa Cendrillon est aussi bien la Belle au Bois Dormant que Blanche-Neige par certains aspects ou encore la petite fille aux allumettes d’Andersen. Cette Cendrillon est la quintessence du conte de fées. Elle donne à percevoir le passage de l’enfance à l’état adulte. Mieux elle est ce passage et, pour cette raison, elle doit mourir. De tous les contes de fées, c’est celui est le plus pur, celui qui comporte le moins d’effroi, une morale simple et noble : les jeunes cœurs courageux sont récompensés. Cependant, l’histoire de Barrie est plus sombre et plus proche de la réalité que du conte de fées. Plus que l’on ne pourrait y songer d’emblée. Voici la preuve, si besoin était, que Barrie est définitivement un réaliste, comme il se nomme lui-même.

La pièce reflète les préoccupations de l’époque, qui sont celles de la guerre. Il commencé à écrire cette pièce à Bettancourt (hôpital - orphelinat), en 1915.


[Photographie extraite de la base de données d'Andrew Birkin ; évidemment, je parlerai un jour de cet endroit...]

Il serait malséant de ne point se référer à l’autorité en la matière, même si le biographe parfait n’existe pas. En l’occurrence, le propos nous semble refléter un état des lieux si conforme à nos pensées que nous le citons presque sans coupures. Denis Mackail, dans sa gigantesque biographie de Barrie, inédite en France et qui est toujours un modèle, décrit ainsi ce texte que nous aurons le bonheur de présenter ici : « Un Baiser pour Cendrillon ne fait aucun compromis avec le sentiment. La pièce y est plongée du début jusqu’à la fin. Elle est également immergée dans le contexte de la guerre - et semble, lorsqu'on la lit à notre époque, relativement parlante (...). Mais l'épreuve qu'elle devait subir, bien sûr, guerre ou pas guerre, était de savoir si l’entrelacement serré de toutes ces idées nées de l’imagination voudraient ou pourraient atteindre les feux de la rampe. Et, particulièrement, si, lorsque le temps serait venu, le public serait rattrapé ou non par le rêve. (...) Une minorité gigoterait gentiment sur son siège, mais la majorité serait impuissante face à cette exposition intensive de ruse et d’adresse. Barrie lui-même dirait, bien plus tard, que le rêve du bal était la meilleure scène qu’il eût jamais écrite. Et pas seulement pour un soir, mais pour les 155 autres représentations, cette magique, cette tendre et aimable satire alla droit au cœur du public. Toujours, bien sûr, avec des exceptions. Mais, pour les autres, se produisit cet appel en eux de quelque chose qu’ils ignoraient presque, encore une heure auparavant, mais que, désormais, ils reconnaissaient immédiatement et attendait d’exprimer. C’était le truc, si truc il y avait. Et si aujourd’hui un critique se sentait ou non en harmonie avec l’auteur, il ne saurait y avoir à aucun niveau une essence plus concentrée de Barrie que dans cet inimitable second acte tout entier.
Puis vint le dernier acte, plein à craquer également de « barrienismes », suscitant immanquablement des réactions. Toujours aussi artistique et habile que jamais et advenant enfin, avec un retard intentionnel, ce baiser longtemps désiré et si essentiel. Une fin heureuse ? Le public ne se posa jamais la question. Peut-être parce qu’il n’était pas supposé le faire, bien que le texte imprimé – qui apparut six ans plus tard – laissât place à un doute aussi cruel que soudain… Il est possible qu’il s’agisse d’une sombre pensée, surgie après coup, qui en réalité ne peut avoir l’espoir d’être confirmée ou infirmée par aucun acteur ou aucune mise en scène. Mais, au théâtre de Wyndham, à la fin de la première représentation, cette nuit de mars de l’année 1916, le public choisit sa propre version de l’histoire, et applaudit, plus qu’heureux, encore et encore… Le succès. Et l'oubli des échecs. Barrie, dans son heure, dans sa curieuse, confiante et rusée manière, "l’avait encore fait" ! »

Comment pourrait-on douter de la fin de cette histoire, lorsque l’on est familier des œuvres de l’auteur ? Combien de ses histoires se terminent réellement bien, sans une ombre, une moisissure sur le pot de confiture (empoisonné) ou simplement le cœur à l’étroit dans ce petit corset de chagrin que nous a fait endosser, malgré nous, Sir J.M. Barrie ? Personne ne semble se poser cette question. Tant d’aveuglement ne peut avoir qu’une cause : la lâcheté du lecteur ou du spectateur. Ceux-là qui se plaignent du sentimentalisme de J.M. Barrie sont les mêmes qui seraient bien en peine d’en affronter la noirceur, l’extrême et froide lucidité, qui est le manteau de pluie dont il emmitoufle toutes ses histoires, y compris celles qui paraissent les plus innocentes, sous les dehors de titres particulièrement trompeurs.

Derniers mots de la pièce :

LE POLICIER. Je ne prétends pas être un prince, Jane, mais je vous aime comme un prince et, si vous acceptez de m'épouser, soyez assurée que je serai un homme loyal jusqu’à ce que la mort nous sépare. Allez, Cendre ! (Silence) [...]

CENDRILLON. Non, non, je n'ai pas encore accepté. Il y a une chose que vous pourriez faire et qui me ferait un plaisir immense.

LE POLICIER. C’est fait.

CENDRILLON. J’aimerais que vous me laissiez la satisfaction, David, de refuser votre proposition, une fois.

LE POLICIER. Volontiers. Mais pourquoi ?

CENDRILLON. Je ne saurais l'expliquer... Simplement parce que je suis une femme. Songez, si j’ose dire, que je pourrais vous le rappeler dans le futur.

LE POLICIER. Je vais prendre ce risque. Serez-vous ma princesse, Jane ?

CENDRILLON. Vous promettez de me refaire votre demande ? De suite ?

LE POLICIER. Oui.

CENDRILLON. Dites : je le ferai.

LE POLICIER. Je le ferai.

CENDRILLON (fermement). C’est un honneur que vous me faites, Policier. Cela ne me déplaît pas, mais je ne me soucie pas de vous de cette manière-là, aussi laissons ce sujet de côté. (Avec anxiété.) Vite, David !

LE POLICIER. Pour la seconde fois, Jane, voulez-vous m’épouser ?

CENDRILLON (qui a réfléchi, depuis plusieurs jours, à sa réponse). David, je vous aime, alors même que je regarde les étoiles briller sur la terre desséchée, alors même que les fleurs ouvrent leurs pétales au soleil, alors même que l’océan puissant tourbillonne, alors même je vous aime, David... (Elle appuie sa tête contre son épaule.)

LE POLICIER. Si seulement j’avais pu le dire de cette façon !

CENDRILLON (heureuse). C’est simplement un petit couplet que je gardais à portée de main. (Presque dans un murmure.) David, pensez-vous que je pourrais avoir une bague de fiançailles ?

LE POLICIER (redressant les épaules). Jane, dites-moi d’abord franchement si vous pensez que les policiers sont romantiques.

CENDRILLON. Ils sont braves et forts, mais…

LE POLICIER. Le verdict général est non. Et pourtant il n'existe pas de corps de métier plus romantique. J’ai ruminé la question des bagues de fiançailles et je considère qu’elles ne sont pas romantiques. (Il se dirige en direction du paquet qu'il a apporté.)

CENDRILLON. David, qu’est-ce qu’il y a dans le paquet ?

LE POLICIER. Humblement, dans l’espoir que vous m’accepterez, Jane, j’ai quelquechose de spécial fait pour vous…

CENDRILLON (le coeur battant à rompre). Oh, David ! Qu’est-ce que c’est ?

LE POLICIER. C’est l’idée qu’un policier se fait d’une bague de fiançailles…

CENDRILLON. Vite ! Vite !

LE POLICIER. … car mon esprit étonnamment romantique m’a dit cela : au lieu de passer un anneau au doigt de sa bien-aimée, un véritable amoureux devrait passer une paire de pantoufles de verre à ses adorables pieds !

CENDRILLON. David ! Vous êtes un poète !

LE POLICIER (qui ne le nie pas). C’est ainsi que vous m’avez fait… et fier je serais si, pour l’honneur de la police, j’établissais cette nouvelle mode concernant les bagues de fiançailles. (Il lui montre les pantoufles de verre.)

(Cendrillon tend les mains pour les petites pantoufles de verre)

Elles ne sont pas pour les mains ! (Il découvre ses pieds.)

CENDRILLON. Elles sont terriblement petites ! Peut-être qu’elles n’iront pas !

(Ils les essaient.)

CENDRILLON. Elles sont comme deux baisers.

LE POLICIER. Plus encore, comme deux lettres d’amour.

CENDRILLON. Non, David, non… des baisers.

LE POLICIER. Nous n’allons pas nous disputer à ce sujet, Cendre. Mais en même temps… Toutefois … ! (Elle presse son visage contre lui, pendant un moment, de telle façon qu’il se peut qu’il ne voie pas sa transpiration. Le Docteur Bodie lui avait dit quelque chose…)

Et l'histoire se termine ainsi : par la mort annoncée de Cendrillon / Jane, même si l'auteur vous laisse le choix de croire le contraire...

Freud aurait adoré le thème de la perte de la virginité de l'héroïne suggérée dans ce passage, de manière assez comique et coquine... et ce n'est point la première fois que Barrie use du motif de la chaussure...

Là encore, au théâtre, Barrie retrouvera les acteurs qui l’ont accompagné dans Peter Pan et d’autres œuvres théâtrales, Gerald du Maurier (le Capitaine Crochet et M. Darling) qui esttoujours double, et la délicieuse Hilda Trevelyan (insurpassable Wendy). Gerald du Maurier était allergique à toute forme d’excentricité et il batailla ferme contre Barrie.

[Betty Bronson, Jane / Cendrillon dans le film de Herbert Brenon]


Laissons la parole à sa fille, Daphne du Maurier : « Un Baiser pour Cendrillon était Barrie au summum de son barrienisme (…) Ici, se trouvait de nouveau, partout, Wendy, sans son Peter, désirant un autre Pays du Jamais Jamais, et vivant entourée de bébés dans des boîtes, installées tout autour des murs, et murmurant ses rêves au flegmatique et maladroit policier ; puis transportée soudain dans son palais de contes de fées, telle Cendrillon, celle de l’histoire, avec le policier métamorphosée en Prince. Pour ceux qui haïssaient Barrie, il s’agissait sans aucun doute d’un morceau nauséeux de sentimentalité qui aurait mérité d’être tranché ; mais, pour ceux qui aimaient gober leur Barrie, entier et nature, il s’agissait sans aucun doute d’un joyau. (…) La scène qui se tient dans le Palais Rêvé était un incroyable mélange d’Edmond Dulac, de Watteau et d’Alice au pays des merveilles, aucun d’entre eux n’étant en désaccord avec un autre. Hilda Trevelyan qui était une Cendrillon aux accents wendyesques et Gerald qui incarnait le policier et le prince métamorphosé firent rire et pleurer les amoureux de Barrie lorsqu’il le fallait, ce qui leur permettait de s'abandonner à leurs propres rêves et à leurs propres fantasmes pendant qu’ils contemplaient cette évasive et délicate bulle qui peut à peine être appelée une pièce. (…) Un Baiser pour Cendrillon flotte comme un papillon devant les yeux fatigués du public londonien mais Barrie n’écrit pas chaque jour des pièces et l’enjeu était de trouver une histoire capable de maintenir l’attention et un réel intérêt de la part du public pendant deux heures et demi. (…) L’amour était un oiseau de passage en ce temps-là, la flamme d’un jour et d’une nuit, regretté dans le train qui quittait déjà la station Victoria, oublié dans la nuit parmi le vacarme d’une grenade qui explose et perdu à jamais dans la boue et les fils barbelés. » L’ombre de Peter Pan que Madame Darling va déposer dans un tiroir est une idée que l’on retrouve tout aussi bien avec le thème des enfants dans des boîtes (Petite Mary et Un Baiser pour Cendrillon, et de manière moins explicite dans Tommy le sentimental, lorsqu’il est fait état des tiroirs qui ne peuvent s’ouvrir car la poignée est à l’intérieur !). Une lignée de mères vierges, de femmes-enfants naît de la plume de Barrie : Mary, Grizel, Wendy, Cendrillon et, dans une autre mesure, Mary Rose – puisqu’elle est mère mais demeure une enfant, non accessible à la corruption physique tant qu’elle demeure sur l’île enchantée.
Cendrillon est plus proche de la Petite Mary que de la Wendy de Peter Pan.

Jane Thing ou Chose

qui se transforme en Cendrillon

est un prodige mais Cendrillon qui devient une petite Nell en est un autre, qui brisera n’importe quel cœur intact.

***
*

La pièce, inédite en France, a été donnée 155 fois (dix-neuf semaines), puis remontée pendant plusieurs années, lors des vacances de Noël, tout comme Peter Pan. Elle connut un immense succès, puis fut remisée dans la naphtaline après décembre 1918, car décidément on ne voulait plus entendre parler de la guerre…

Gageons que, si un talentueux metteur en scène s’en emparait, elle connaîtrait un regain de succès. En tout cas, ma propre traduction est prête et bientôt... Espérons-le. De toute façon, j'ai fait une promesse, il y a longtemps et je tiens toujours mes promesses, tôt ou tard. Cela sonne presque comme une menace... !

{Tom Moore dans le rôle du Policier / Prince dans le film.}

Autres photographies, sur ma page Tumblr...

{Maude Adams dans le rôle de Cendrillon, au théâtre}

TO BE CONTINUED...


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