Traduction d'un article de Richard Russell (le lien a disparu dans les limbes de la Toile...)
Bizarrement, l'édition pirate américaine
est souvent la pièce centrale d'une collection. Pendant
de nombreuses années, le record aux enchères pour
un livre a été détenu par un livre dont l'auteur
lui-même n'avait jamais entendu parler ou reconnu,
A Tillyloss Scandal
de James Matthew Barrie. L'adorable, et peu recommandable,
édition américaine piratée est souvent la
première et la véritable édition américaine.
Dans certains cas, c'est aussi l'édition originale.
L'histoire des éditions piratées
de J. M. Barrie est étroitement liée à l'histoire
de l'United States Book Company, une immense organisation qui
associait des publications légales et pirates avec un aplomb
égal. Elle n'arrivait pas à la cheville d'Ogilvie,
Optimus, Ivrs, Allison ou Lupton, des éditeurs pour qui
les éditions pirates étaient les éditions
originales. Ces maisons d'édition pirataient à la
fois les publications légales et pirates de l'United States
Book Company. Curieusement, l'entreprise de piratage des œuvres
de Barrie par l'United States Book Company commença comme
une entreprise tout à fait légale. Le premier livre
de Barrie publié fut The Little Minister, pour
lequel Barrie fut payé vingt-cinq livres — le prix qu'il
avait demandé pour les droits américains. Une série
d'éditions piratées de ce livre convainquit la maison
d'édition que ce serait folie d'être la bonne poire
qui paierait pour des droits qui étaient complètement
bafoués, et ils publièrent sept autres titres sans
se soucier d'ennuyer Barrie au sujet desdits «droits».
L'entreprise fut créée originellement
en juillet 1890 comme une réorganisation de la John W.
Lowell Company. La première année, leurs publications
portaient la mention «Successeurs de John W. Lowell Company».
Bien que la compagnie acquît vingt-deux maisons d'édition,
seulement quelques-unes existèrent par la suite. À l'origine furent employées
la Seaside publishing Company (qui incluaitt Seaside library et Munro's
Library), la National Publishing, l'International Publishing Company,
La New York Publishing Company et Hoevndon Company, toutes situées
aux numéros 43, 45 et 47 sur la dixième rue Est.
En 1891, la Lowell, Coryell compagnie fut ajoutée.
L'entreprise déclara sa banqueroute et, en mars de l'année
1893, elle fut placée entre les mains de Charles Gould,
l'administrateur judiciaire, qui déménagea la société
aux numéros 5 et 7 de la seizième rue Est, en 1893.
Pendant ce temps, John Lowell créa une
compagnie indépendante, la Lowell Book Company au 142 Worth
Street. Les adresses sont importantes car elles permettent souvent
d'établir l'édition en face de laquelle on se trouve,
dans le cas où il s'agit d'éditions pirates — en effet,
les mêmes planches d'imprimerie sont utilisées pour
plusieurs éditions.
En 1896, la United States Book Compagny fut
réorganisée sous le nom de l'American Publisher's
Corporation, laissant tomber les autres maisons d'édition,
sauf Lowell, Coryell (qui sera mise de côté en 1897)
et déménagea aux 310-318 de la sixième avenue.
La sixième avenue est une adresse importante à noter,
car l'American Publisher's Corporation était simplement
un éditeur de rééditions et l'adresse sur
la sixième avenue indique que le livre n'est en aucun cas
une première édition.
En 1898, la compagnie ferma définitivement
ses portes, ayant pour successeur, pendant quelques
mois, une compagnie de location de planches d'imprimerie. Pendant
ce temps-là, deux jeunes employés de l'entreprise,
Alexander Grosset et George T. Dunlap, se sentirent le droit de
s'approprier les planches d'imprimerie, s'en servant pour fonder
la grande maison de réédition américaine
qui porte leur nom. Ce fut un autre rééditeur, A.
L. Burt, qui récupéra les planches d'impression
des livres de Barrie.
Bien que ce ne soit pas une édition pirate,
mais plutôt une édition autorisée, je me sentirais
quelque peu négligent si je n'incluais pas la première
édition américaine du Little Minister dans
cet article.
The Little Minister
est une curiosité et donne lieu à une gentille controverse
dans le milieu de la bibliophilie. La première édition
reconnue comme telle est la suivante : London, Paris & Melbourne:
Cassell & Co., 1891. En trois tomes, reliés dans une
couverture marron, le titre imprimé avec des caractères
dorés et avec une page de garde sur papier crème.
Cassell sortit cette édition le 5 octobre 1891.
La première édition américaine
est la suivante :
New York: John W. Lovell 150 Worth St. Cor. Mission
Place, le 22 septembre 1891. Une édition en un seul volume,
avec une couverture marron.
Comme on peut aisément le comprendre,
l'édition de Lowell devrait être aussi authentique
que celle de la première édition américaine,
sortie onze jours plus tôt que celle de Cassell. Cependant,
des difficultés de production retardèrent la sortie
de l'édition de Lowell et sa date de sortie réelle
fut le 14 novembre 1891.
À présent, en ce qui concerne les éditions
pirates :
When a Man's Single. New York: Worthington
Co., 1892. Une couverture de papier souple avec un frontispice,
la première édition authentique. La première
édition pirate de l'œuvre de Barrie en Amérique.
La première édition authentique américaine
fut publiée par Harper & Bros., en 1889. Entre 1892
et 1896, quand Scribner devint l'éditeur officiel américain
de Barrie, les éditeurs Lovell, Coryell, Monro, Waverly,
Ogilvie, American Publisher's Corp., International, Donahue et
Hurst piratèrent tous le livre.
Better Dead et My Lady Nicotine.
New York : Lovell, Coryell & Company, 43,45 and 47 East Tenth
Street, September, 1892. Couverture fauve, numéro 10 de
la Belmore Series.
Une édition tout à fait pirate
des éditions britanniques de Better Dead (London
: Swan Sonnenshein, 1888) et de My Lady Nicotine (London
: Hodder & Stroughton, 1890.) Les planches de Better Dead
et d'An Edinburgh Eleven furent utilisées dans
une première et étrange compilation d'A. L. Burt
; les éditions pirates étant publiées avec
Auld Licht Idylls qui avait été acquis
légitiment auprès de Macmillan.
An Edinburgh Eleven. New York : Lovell,
Coryell and Company, 43, 45 and 47 East Tenth Street, December,
1892. Couverture bleue, titre en lettres d'or.
Une édition tout à fait pirate
du British Weekly's British paper edition (1889). Un échec
relatif et une édition pirate peu distribuée de
la part des éditions Lowell, mais plus tard une réédition
par l'American Publisher's Corporation, avec une couverture rouge-marron.
A Holiday in Bed and Other Sketches. New York : New York
Publishing Company, (1892). Sortie simultanément avec une
couverture bleue. Voilà un recueil non autorisé de textes
de Barrie publiés dans des magazines, l'Edinburgh Evening
Dispatch, l'English Illustrated Magazine, et le British Weekly.
C'est une édition pirate au sens propre, jamais publiée
en Grande-Bretagne. Le livre fut réédité
dans une édition autorisée par l'éditeur
new-yorkais, New York Publishing Company, par F. T. Neeley in
Neeley's Popular Library series, et piraté par les gens
de la Hurst & Company dans la Hawthorne Library.
An Auld Licht Manse and Other Sketches. New York : John
Knox & Company, (1893). Couverture en cuir, numéro
1 dans la série Universal. Republié dans une couverture
bleue et rouge, en similicuir.
Un recueil d'articles issus du British Weekly et de l'Edinburgh Evening Dispatch, qui font controverse. Knox
déclara qu'elle avait été autorisée
par Barrie ; mais Barrie nia avoir autorisé ce recueil.
Les droits, en vérité, avaient été
achetés par l'United States Book Company, bien qu'ils ne
l'eussent jamais sorti. R. F. Fenno le publia sous le numéro
11 de leur série lavande, portant le copyright de la United
States Book Company, et diffusa une seconde édition dans
leur Select Series, sous le numéro 83 en 1901.
A Tillyloss Scandal. New York: Lovell,
Coryell & Co. 43, 45 and 47 East Tenth Street, Mars 1893.
Couverture en peau colorée.
Un recueil non autorisé d'A Tillyloss
Scandal fut réimprimé à partir de textes
parus dans l'Edinburgh Evening Dispatch, le Scots Observer, les Good Words et le British Weekly. Il est important de souligner
que l'adresse indicative des différentes impressions d'A
Tillyloss Scandal indiquent la maison d'édition Hovendon
and International Book Co : certaines de la dixième rue
Est, d'autres de la seizième rue Est, aussi bien qu'une
édition de Home Book Co., marquée de l'adresse suivante
: 142 Worth Street, par Frank Lovell, en avril 1893. L'édition
à couverture bleue porte aussi la mention de l'adresse
située sur la dixième rue, mais est sortie deux
mois après l'original. La compagnie Donahue, Henneberry
acheta les planches d'imprimerie de la Home Book Company et sortit
plusieurs éditions du livre. J. S. Ogilvie pirata les pirates
dans la série Sunset Series, sous le numéro 256.
La publication s'acheva par la Little Leather Library en 1915
ou 1916.
Two of Them. New York: Lovell, Coryell
& Company, 5 and 7 East Sixteenth Street, nd [1893] Couverture
vert pâle.
Un autre recueil qui n'a pas d'équivalent
britannique, à partir des magazines suivants : l'Edinburgh
Evening Dispatch, le Scots Observer, le Graphic, le London News,
l'Illustrated London News, le National Observer et le British
Weekly. Ce fut le livre qui obtint le moins de succès parmi
les pirates de la Lovell, Coryell. Couverture cartonnée
bleue. De même Lovell, Coryell (qui fut peut-être
une édition simultanée avec l'édition à
couverture souple), l'édition la plus rare des éditions
pirates de Barrie. L'édition à couverture souple
était cependant généralement publiée
en premier lieu. L'American Publisher's Corporation sortit une
réédition avec une couverture rouge, qui fut une
des dernières éditions à user du sigle Lovell,
Coryell. Ogilvie se servit des planches de Lovell afin d'éditer
le livre dans leur série Sunset, sous le numéro
257.
A Powerful Drug. New York : J. S. Ogilvie,
(1893). Edition sous couverture avec des motifs noirs, blanc et
rouges. Un pirate d'un pirate. Ogilvie rassembla les dernières
moitié d' A Tillyloss Scandal et de Two of
Them afin de créer A Powerful Drug.
Life in a Country Manse. New York:
J. S. Ogilvie, nd [1894]. Couverture saumon.
Un pirate plus tardif d'un pirate, combinant
Life in a Country Manse et le Mystery of No. 13 d'Helen
Mathers, pirate à partir de l'édition anglaise Heinemann.
Les mêmes planches servirent à créer la réédition
de F. Tennyson Neeley en 1899.
De 1892 à 1896, les éditions pirates
firent de Barrie l'auteur anglais le plus connu et, probablement,
l'un des plus vendus aux Etats-Unis. La plupart des éditions
à couvertures souples sont extrêmement rares et peuvent
se vendre au prix fort. Les rééditions à
couvertures cartonnées sont plus communes, mais valent
néanmoins le coup d'œil.
Les éditions pirates américaines
ont aidé beaucoup d'auteurs étrangers à s'implanter
sur le sol américain et constituent une part importante
de la bibliophilie et de l'histoire littéraire en Amérique.
Aucun libraire sérieux ne peut passer à côté
de ce phénomène. |