Le monde de James Matthew Barrie


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[Bientôt - En construction]

1. La genèse du personnage dans l'oeuvre de Barrie

Plusieurs étapes, faciles à repérer.

  • Une idée jetée en l'air dans le roman Tommy et Grizel :

    La première apparition de Peter Pan, du moins à titre d’idée, se trouve dans l’esprit de Tommy Sandys, l'écrivain, qui imagine l’histoire d’un enfant qui ne grandirait pas. Le passage suivant n’est pas non plus étranger à Peter Pan, tel que nous le découvrirons dans Le petit oiseau blanc : « Le nouveau livre, bien sûr, était L’enfant vagabond. Je me demande si d’aucuns parmi vous l’ont lu maintenant. Vos pères et vos mères pensent beaucoup de choses au sujet de ce mince volume. Mais cela fera peu sensation à une époque où tous les auteurs s’essaient à être celui qui peut dire : « Zut ! » le plus fort. Ce n’est rien, sinon une rêverie au sujet d’un enfant perdu et de ses parents qui le recherchent, pris de terreur à l’idée de ce qui a pu lui arriver. Mais ils le trouvent dans un bois, en train de chanter joyeusement parce qu’il est libre. Il craint d’être à nouveau mis en cage, alors il s’éloigne d’eux en courant à travers les bois, et il court encore, chantant pour lui-même parce qu’il est libre. C’est vraiment tout. Mais Tommy Sandys ne savait pas comment raconter cette histoire. A partir de l’instant où il conçut cette idée (…), il sut que c’était une idée pour lui. Il oublia aussitôt qu’il n’aimait pas réellement les enfants. Il se dit respectueusement à lui-même : "Je peux la laisser tomber. " Et, ainsi qu’il était habituel avec lui, plus il lui sembla laisser échapper cette idée, plus il sembla l’aimer. (…) »


  • The Boy Castaways of Black Lake Island :


    Cf. Beinecke Library

    livre édité en tirage privé à deux exemplaires (George Llewelyn Davies prétendra avoir oublié son exemplaire dans un train - acte manqué ou mensonge ? Barrie était le propriétaire du second), en 1901. Ce livret est composé de 36 photographies qui illustrent les histoires que Barrie inventa pour les enfants Davies durant l'été. [Voir ces photographies sur le site d'Andrew Birkin et / ou sur ma page personnelle] Il y a pour tout texte les en-têtes de chapitres jamais écrits. On retrouve dans le Petit oiseau blanc les aventures qui y sont décrites en images, lorsque le narrateur joue avec David et son camarade, Bailey.
    La Dédicace aux Cinq est un hommage aux enfants Davies, en souvenir de leurs jeux ; elle orne la dernière version publiée de la pièce Peter Pan et parle de ce fameux été . Barrie y écrit les mots suivants : "J'ai créé Peter en vous frictionnant tous les cinq comme des sauvages, de même que deux bouts de bois produisent une flamme." [Dédicace aux Cinq]

    Cf. cette page liée.


  • Cinq chapitres du Petit Oiseau blanc :

    Peter Pan est un enfant de sept jours qui s'enfuit par la fenêtre de sa nursery. Il va vivre dans les Jardins de Kensington. Il retournera deux fois auprès de sa mère, sans qu'elle le sache. La seconde fois, la fenêtre sera fermée et il apercevra sa mère en compagnie d'un autre enfant, qui l'a supplanté dans son coeur. Je vous renvoie à cette autre page du site, intitulée par votre hôte Ballade pour les enfants morts.
  • Anon : a play ;
  • Peter Pan : la pièce, puis le roman.

2. Inspirations possibles pour la création du personnage (et l'oeuvre)

Vraisemblablement, James Matthew Barrie emprunta quelque chose à Bluebell in Fairyland,





une pièce de et avec Seymour Hicks.

et son épouse,

Ellaline Terriss...

Jimmy, en décembre 1901, avait emmené les enfants Davies assister à ce spectacle féerique et fut emballé, puis inspiré. La pièce appartenait à la tradition de la pantomime, mais était destinée spécialement aux enfants. Il s'agissait, de plus, d'une oeuvre originale et non de l'adaptation d'un classique. Barrie désirait que Seymour Hicks jouât le rôle de Crochet.
Il existe une différence majeure entre les deux oeuvres : Bluebell est imaginaire de part en part, alors que Peter Pan ne comporte qu'une part d'imaginaire, puisque les enfants sont réels et tout à fait ordinaires.

> Album de photographies de la pièce. <


Mais également au roman de George MacDonald, Lilith.


 

J.M.B. entremêle constamment la réalité et la fiction. Lisez ce qui suit si vous voulez vous faire une idée du tissu serré dans lequel est taillé son univers.

On retrouve dans la pièce la plupart des noms de la famille Davies. George est le nom de M. Darling, John Napoleon Darling emprunte son nom à Jack, Michael Nicholas Darling honore les deux autres garçons (Michael et Nicholas). Sans oublier Peter... ! Wendy Moira Angela Darling rappelle l'héroïne de sa pièce Little Mary (Moira Angela ). Angela désigne également Angela Du Maurier, la cousine, des cinq frères Davies. Elle jouera le rôle de Wendy dans les années 1920. Notons au passage que Gerald Du Maurier (le frère de Sylvia) interprètera le rôle de Crochet.
Porthos, le bien-aimé saint-bernard de Barrie inspirera évidemment Nana. Mais, hélas, avant que la production ne voit le jour, il mourra et Barrie adoptera un terre-neuve, Luath. Arthur Lupino, qui incarnera Nana, copiera ses mouvements d'après ceux de ce chien !
Le Capitaine Crochet fut inspiré par Wilkinson (un maître d'école des enfants Davies, représenté dans Le Petit oiseau blanc sous les traits de Pilkington)

Où vont les petites filles, je l’ignore. Dans quelque lieu personnel, je suppose, afin d’y remonter leur chevelure, mais les garçons vont chez Pilkington . C’est un homme qui se promène avec une canne. Vous ne pouvez aller chez Pilkington vêtu de knickerbockers cousus par votre mère, les feraient-elles le plus ingénieusement du monde. Ils doivent être de véritables knickerbockers. C’est son inflexible règlement. D’où la fascination mêlée de crainte qu’exerce Pilkington.

[Chez le véritable Wilinson. Photographies : Andrew Birkin]


On le reconnaît à l'hameçon qu'il amorce au moyen de véritables knickerbocker. Il pêche toute la journée dans les Jardins. Ils ne sont pour lui qu’une simple flaque où grouillent de petits têtards. Ombre abhorrée ! Je ne sais pas sous quel aspect ton art t’a portraituré, Monsieur, mais imagine-toi barbu et ombrageux de caractère, avec un corps à l’allure penchée et tortueuse, qui ne se meut jamais sans cingler l’air. Chaque matin, je le jure, tu lis avidement la liste de toutes les naissances de petits garçons dans ton journal, et alors tu frottes tes mains l’une contre l’autre avec jubilation. C’est la crainte de ton personnage, de ton habit et de ta canne, qui sont une part de ton personnage, qui oblige les fées à se cacher dans la journée. Quand bien même tu t’attarderais un jour parmi leurs repaires, entre les heures de la Fermeture et de l’Ouverture, il n’y aurait pas une seule place agréable pour toi dans tous les Jardins. Le petit peuple déménagerait en cachette. Combien plus sages sont-ils que les petits garçons qui nagent, séduits, vers ton ingénieux hameçon. Toi, le dévastateur des Jardins ! Je te connais, Pilkington !

Le Petit Oiseau blanc

mais également peut-être de "Hooky Crewe", un homme au crochet de métal, qui inspira une terreur dans l'enfance de Barrie et dont il est question au chapitre 2 de Auld Licht Idylls. Une autre hypothèse est développée par Robert Greenham dans son livre, It might have been raining.

Dans The Boy Castaways, Hook est déjà anticipé par Swarthy et dans Sentimental Tommy par le Capitaine Stroke. Barrie jouait toujours le rôle du Capitaine lors de ses jeux avec les enfants Davies. Barrie est sans conteste une image de Hook. Ne lui a-t-il pas donné son prénom, James ?

Il faut également lire le discours écrit à son sujet, à Eton. Il semble bien qu'il parle de lui-même...

Robert Greenham rappelle que "Hookie" était également le surnom d'un boucher à Black Lake Cottage qui fournissait des poissons rouges pour le bassin qui agrémentait le jardin de Mary Ansell. C'était aussi le nom d'un arbre dans ce jardin, d'après le nom de la première tortue des Barrie, qui était attachée à cet arbre. Cf. le livre de Mary Ansell, The Happy Garden :

 




Soulignons que le premier crochet du Capitaine était double.

 


Nous reviendrons sur ce symbolisme.

Never Never Never Land (qui finit par n'être plus que Never Land et Disney s'arrangera pour transformer le nom de l'île en Neverland), dans sa dénomination, est vraisemblablement lié à une pièce de théâtre de Wilson Barrett (The Never, Never Land), en référence à une terre aborigène de l'Australie.

Tinker Bell

On ne remerciera pas Walt Disney. Transformer la fée Tinker Bell en "l'innocente" Clochette!

Certes, elle conserve certains traits malins et aguicheurs dans le dessin animé, mais tout de même...
Tink(l)er signifie en langage scots une "bohémienne", une fofolle portée sur "la chose" ou d'humeur érotique, une vagabonde, une virago, etc. C'est un terme injurieux. En anglais courant, le mot désigne un rétameur*, un coquin, un mendiant, quelqu'un qui erre.

Celle de Loisel paraît plus barrienne :

* étamer [etame] v. tr.
ÉTYM. 1636; s'estamer, v. 1245; de estaim, estain. ? Étain.
1. Recouvrir (un métal) d'une couche d'étain. | On étame le cuivre, la tôle (--> Fer-blanc), la fonte, le zinc pour les préserver de l'oxydation. | Faire étamer une casserole, une marmite de cuivre, de fer battu.
2. Recouvrir (la face interne d'une glace*) d'un amalgame d'étain et de mercure (--> Tain).

Le Grand Robert

3. Développements du personnage

Avant d'être "l'enfant qui refuse de grandir", Peter est "l'enfant qui hait les mères" !

Bébé, qui parle néanmoins comme un enfant plus âgé, ou joyeux drille, Peter Pan est essentiellement connu sous la figure du second, dont s'empara le cinéma, la littérature, la bande-dessinée et même la psychologie. Peter Pan n'a pas d'âge réel. Il se contente de vivre sur le mode du présent éternel. Il fanfaronne, joue, vit et possède une mémoire oublieuse.

Il semble avoir hérité de certains attributs du dieu Pan (la chèvre, la flûte et un comportement sinon outrancier du moins outré).

Peter Pan est l'enfant sans mère. Il n'est jamais fait mention de son père, que ce soit dans la pièce ou le roman. Emettons une idée folle : et si le Capitaine Crochet (Hook) était son père ? En effet, il était fréquent que le même acteur interprétât le rôle de Monsieur Darling et celui du Capitaine, donc le Capitaine semble fait d'une double nature.

Dans les premières productions de la pièce, Peter Pan est costumé en Napoléon !

 

(ici, la délicieuse Pauline Chase)

Etonnant, n'est-ce pas ?

A la fin de la scène avec les pirates, dans le bateau, Peter Pan a vaincu Crochet. Le rideau tombe. Puis il se lève à nouveau et Peter Pan apparaît ainsi l'espace d'un tableau ! Les Garçons Perdus, derrière lui, arborent des costumes militaires. Cette mise en scène était censé parodier un tableau Napoleon on board the Bellerophon de William Quiller Orchardson.


 


Barrie était un farceur. Il s'agit, selon toute vraisemblance, d'une private joke à l'intention de Frohman, son producteur, qui admirait tant Napoléon qu'il en avait un buste dans son bureau.

A notre avis, une autre interprétation demeure tout aussi possible, sans exclure l'autre. D'autant plus que le second prénom de John Darling est Napoléon ! N'y aurait-il pas un lien de parenté entre Peter et les autres enfants ? D'où notre hypothèse précédente : et si Crochet (ou M. Darling) était le père de Peter ? A défaut d'être sa mère bien entendu, puisque Hook était également une femme dans l'esprit de son créateur...

Cf. cette autre page.