Voyage à
Londres sur les pas de James Matthew Barrie : avril 2007 - Part Two
Le jour où j'ai
rencontré le Capitaine Crochet.
Dimanche 2 avril 2007.
Oui, c'est la terrible vérité.
Il était à l'aéroport d'Edimbourg,
ce matin, afin de probablement me souhaiter un bon voyage.
Au bout de son crochet, un
mouchoir couleur... guimauve, ma couleur, celle de votre site.
J'en ai froid dans le dos
en y repensant. Je me dis que ce fut l'ultime clin d'oeil de
mon cher Barrie, qui est doté d'un sacré humour.
C'est une histoire que je
vous raconterai peut-être un jour.
De retour d'Ecosse, de ma
maison de coeur et d'imagination, j'ai beaucoup à vous raconter
et à vous montrer, mais ce soir il est tard et je suis très
fatiguée. Une centaine de courriels à lire ou à jeter (et encore
des demandes d'aide pour des mémoires de master ! Je sature.
Les gens ne peuvent-ils pas travailler seuls ? J'adore aider,
mais seulement quand les demandeurs me prouvent qu'ils ont déjà
oeuvré par eux-mêmes - ce qui est rarement le cas.), une dizaine
de lettres postales, beaucoup de choses à trier, à ranger (des
trésors d'Ecosse), des vidéos à encoder (pour vous)... Mais,
dès demain, je pense commencer mon récit en image de ce voyage
peu ordinaire.
Je vous laisse en compagnie
de cette image égocentrique représentative de mon bonheur, je
le crois, dans ce pays de fées, de fantômes et d'infini. Un
petit champ de jonquilles dans un endroit cher à Jamie. Et dire
que je suis censée de pas aimer la nature ! Mais comment ne
pas l'aimer en Ecosse ?
Je vous préviens. Je
suis d'humeur sentimentale et je dégouline de bons sentiments.
Tout ceci est écoeurant ! Si je pleurais, ce serait assurément
une coulée de caramel sur mes joues couleur sucre d'orge. Ma
bouche est une fraise Tagada et mes bras sont mous comme de
la guimauve. Mon coeur est une pomme au sucre, mais empoisonnée,
celle de la vilaine sorcière de Blanche-Neige et mes neurones
des Bêtises de Cambrai. Cela promet ! Vous allez avoir la nausée,
je le crains. Je suis encore sous l'effet des drogues puissantes
(une dose de cheval) qui m'ont été nécessaires afin d'accepter
de monter dans un petit coucou de la British Airways et ma dyslexie
revient danser sous mes doigts qui confondent les touches du
clavier. Je vous demande du temps à tous afin de vous répondre
personnellement. Toute cette série écossaise de billets barriens
que je vous destine, au fil des jours, est dédiée à mon Mari,
à mon Amour, à mon Dieu, au Magicien de ma vie, à l'homme sans
qui mon existence serait une erreur (pardon Nietzsche, je vous
plagie un peu). Je ne connais personne en ce monde qui soit
capable de mettre le monde dans votre main comme il sait le
faire si bien pour moi. Il est la beauté et l'innocence de l'univers,
la lucidité également. Sa bonté n'en a que plus de mérites.
Il est commeAlcide,
le personnage de Voyage au bout de la nuit :"il tutoie les anges".
Il ne le sait pas, mais il a plus en commun avec James Matthew
Barrie qu'il ne le croit et il a apprivoisé le Capitaine Crochet
qui, comme chacun le sait, est une mère sans enfant. Ceci, je
vous le prouverai un jour.
***
THE GRAVE ON THE HILL :
Mon voyage
m'inspire tout de même la sobriété, malgré mon tempérament
de feu et ma propension à ce que mon mari appelle
"l'exaltation permanente", et ce que je nomme ma grandiloquence
enfantine, car ici lesublime
vous pétrifie. Ce n'est ni Kant ni Burke
"WHATEVER is fitted in any
sort to excite the ideas of pain and danger, that is
to say, whatever is in any sort terrible, or is conversant
about terrible objects, or operates in a manner analogous
to terror, is a source of the sublime; that is, it is
productive of the strongest emotion which the mind is
capable of feeling. I say the strongest emotion, because
I am satisfied the ideas of pain are much more powerful
than those which enter on the part of pleasure. Without
all doubt, the torments which we may be made to suffer
are much greater in their effect on the body and mind,
than any pleasure which the most learned voluptuary
could suggest, or than the liveliest imagination, and
the most sound and exquisitely sensible body, could
enjoy. Nay, I am in great doubt whether any man could
be found, who would earn a life of the most perfect
satisfaction, at the price of ending it in the torments,
which justice inflicted in a few hours on the late unfortunate
regicide in France. But as pain is stronger in its operation
than pleasure, so death is in general a much more affecting
idea than pain; because there are very few pains, however
exquisite, which are not preferred to death: nay, what
generally makes pain itself, if I may say so, more painful,
is, that it is considered as an emissary of this king
of terrors. When danger or pain press too nearly, they
are incapable of giving any delight, and are simply
terrible; but at certain distances, and with certain
modifications, they may be, and they are, delightful,
as we every day experience. The cause of this I shall
endeavour to investigate hereafter."
qui me contrediront. L'incandescence
fut intérieure et je perdis, un à un, tous mes mots.
Je n'ai jamais su parler ; je bafouille ; je bégaie
; l'émotion tire en pelote le léger cheveu déposé sur
ma langue et je commets des erreurs grammaticales, etc.
Je préfère mille fois écrire, mais me voici démunie
de tout en ce lundi, qui est le demi-réveil, en quartier
de lune, d'un voyage inachevé. Oui, car je reviendrai,
au plus tard dans 3 ans, pour les célébrations autour
de J. M. Barrie, afin de jeter mon gant (vous savez
sa couleur) à la mégère qui a osé écrire une suite à
Peter Pan. Je lui demanderai raison de cette
offense.
Loin de croire connaître l'Ecosse,
puisque je n'ai palpé, touché, reniflé et aimé qu'une
minuscule partie de ce pays plus vaste qu'il n'y
paraît sur une carte d'Europe, et ce, pendant un
temps relativement court, je crois néanmoins en
avoir saisi l'essence au premier regard. Il m'a
semblé revenir au pays de ma naissance, celle qui
précède la naissance des mortels, de tous les mortels
qui n'ont pas peur de se souvenir. Mon sang coule
aussi jaune que celui de Hook et j'en sais la raison.
Nous sommes arrivés pendant
un coucher de soleil sur un
loch,
un peu égarés
dans l'immensité verte de l'Ecosse. La nuit était
presque tombée. Nous avons cependant trouvé notre
chemin parmi les ombres remuantes et sifflantes.
Je savais que rien de grave ne pouvait m'arriver
une fois les pieds sur le sol de ce pays-là. Je
n'ai pas peur des fantômes. Je suis prête à les
bercer dans mon giron, à les allaiter avec ma
mémoire. Mon mari est le meilleur conducteur au
monde et son sens de l'orientation, avec ou sans
GPS (nous en avions tout de même un ; prudence
est mère de sûreté), est incroyable. La preuve,
nous ne nous sommes jamais (involontairement)
perdus. Notre lieu de résidence fut exceptionnel.
J'en reparlerai, car je dois rendre hommage à
ces gens, discrets et efficaces, généreux dans
leur silence.
Le lendemain,
notre premier devoir et désir fut de nous recueillir
sur la tombe de notre hôte, celui qui avait inspiré
ce voyage. Depuis toutes ces années, il était enfin
temps de me présenter à mon vieil ami. De son lit
éternel, il a une belle vue.
J'ai cru sentir un instant sa main
sur mon épaule gauche dès le moment où j'ai pénétré
dans le cimetière sur la colline.
Instinctivement,
je me suis dirigée vers la tombe aimée. Je
savais où elle était. Nul besoin de plan.
Je courais. Une vidéo trop impudique vous
sera scellée, car je crois que je me suis
effondrée à ce moment-là, lorsque m'est apparu
l'endroit.
Mon
mari est invisible. Il est comme l'épouse
de M. Columbo. Mais vous pourrez l'entendre
donner le "Clap" ou le "Top" de nombreuses
vidéos. J'aurais pu couper au montage
ces petites choses, mais je n'en ai
pas envie.
Je ramène
de la terre d'Ecosse, de la terre d'une tombe.
Une petite poignée. Ceci n'est pas un sacrilège,
comprenez-le bien, ni un illégitime et mesquin
désir de possession, mais un moyen pour moi
d'offrir un fragment de mon voyage à qui m'est
cher.
Strath
View.Je ne sais pas si
ces mots signifient quelque chose pour beaucoup de gens en France.
Mais, pour moi, c'est en soi une invitation. Recevoir un carton
aux bords dorés et calligraphié, expédié par la Reine d'Angleterre
elle-même, me ferait moins d'effet !
Cette invite
m'est offerte, spontanément, par la propriétaire des lieux, que
j'appelle de France pour convenir d'un rendez-vous. Il faut préciser
que mon amiRobert
Greenham a orchestré tout
ceci et qu'il m'a fait un inestimable cadeau d'anniversaire en
jouant ce rôle d'entremetteur. J'y crois à peine lorsque mon mari
frappe avec le lourd marteau de la porte. Mais ma bienfaitrice
arrive dans notre dos et me souhaite d'emblée un "Happy Birthday".
Sheila(dont je respecte
la tranquillité en ne la nommant pas davantage)est une personne
délicieuse, cultivée, passionnée, d'une générosité rare, et une
barrienne d'excellence, puisqu'elle fut le conservateur de la
maison natale de Barrie (au 9
Brechin Road, où je vous
conduirai bientôt en vidéo). Elle habite depuis fort longtemps
la maison de Barrie, sa seconde maison à Kirriemuir. Il y emménagea
en 1868. Plus tard, ses parents déménagèrent àForfar,
mais la maison demeura dans la famille, puisque le frère de Margaret
Ogilvy (la mère de Jamie), un ministre (pasteur), l'acheta et
laissa ensuite le premier étage aux Barrie. Sheila me précise
que cette maison fut plutôt une maison heureuse pour Barrie.
Vous ne saurez jamais mon sentiment
lorsque je vis le haut de la cheminée en bois sculpté par la soeur
de Barrie ou lorsque je pénétrai dans la petite chambre ronde
du haut, où Barrie fut marié par son oncle. C'était la pièce préférée
de Margaret Ogilvy. Je l'imagine assise dans un coin. Il reste
un petit objet en verre bleu de cette époque, que Sheila dépose
entre mes mains. Je tremble légèrement, de plaisir.
Sheila est digne d'habiter
ce lieu,
car à sa manière elle entretient
l'esprit de la maison (bien sûr que les maisons ont une âme
et des souvenirs !) et la mémoire, d'une piété discrète, sans
ostentation, mais réelle. Je sais reconnaître la sincérité lorsqu'elle
est aussi éclatante. Il y a sur un mur une petite tapisserie
en couleur qui représente le rideau de la pièce Peter Pan,
une jolie réplique qu'elle a brodée et
qui fait sonner minuit dans mon coeur. Tous les détails y sont
à l'identique, en miniature. Les noms d'Andersen, de Charles
Lamb ou de Lewis Carroll répondent présents à l'appel du passé.
Ceux qui me lisent ont souvent croisé une ou deux silhouettes
ici même.
Lorsqu'elle acheta la maison, elle ignorait
tout de son illustre prédécesseur. Un jour, en découpant de
la vigne vierge apparut une plaque
sur laquelle était gravé le nom bien connu
de mes lecteurs et elle se sentit le devoir de faire connaissance
avec l'ancien propriétaire des lieux. Ceci en dit long sur
le beau caractère de cette femme.
Je tairai tous mes émotions qui me prennent
encore à cet instant en tenaille.
Merci Sheila pour ces instants. Tout simplement.
Merci d'avoir subi mon anglais cassé et de m'avoir ouvert votre
intimité.
Lorsque je lui demandai si elle avait ressenti
la présence du fantôme du Barrie, elle me cita deux cas très
précis et fort troublants, dont je ne révèlerai rien ici.
Mais Jamie s'est manifesté. Ou il nous plaît de le croire
et cela revient au même.
"This is Jess's window.
For more than twenty years she had not been
able to go so far as the door, and only once while I knew her
was she ben in the room. With her husband, Hendry, or their
only daughter, Leeby, to lean upon, and her hand clutching her
staff, she took twice a day, when she was strong, the journey
between her bed and the window where stood her chair. She did
not lie there looking at the sparrows or at Leeby redding up
the house, and I hardly ever heard her complain. All the sewing
was done by her; she often baked on a table pushed close to
the window, and by leaning forward she could stir the porridge.
Leeby was seldom off her feet, but I do not know that she did
more than Jess, who liked to tell me, when she had a moment
to spare, that she had a terrible lot to be thankful for."
***
THE DEN :
Ma curiosité était à la
fois celle d'une amoureuse éperdue de Barrie mais aussi faisait
montre d'une circonspection toute linguistique. J'étais, par
avance, intriguée par ce "den",
tout comme il m'a toujours semblé que traduire "theglen"
par "gorge" ou "vallée" était réducteur, car le glen est bien
une gorge, mais écossaise, pourvue d'une distinction propre
que ne recouvrent pas tout à fait les mots français. Je ne parle
même pas des "Fens",
qui sont encore autre chose... mais hors du territoire barrien.
Dans ce mot "den" cohabitent
deux choses : une dénomination géologique ou topographique et
un symbole bien propre à l'imaginaire de l'auteur James Matthew
Barrie, deux versants d'un mot qui se retrouvent dans la définition
qu'en donne mon précieux Chambers's
Scots Dictionary
de 1911 (acquis sur ebay) : une gorge, une vallée, un ravin,
"un repaire pour les jeux des petits garçons... Se cacher, se
tapir dans un repaire..." Et le mot renvoie à "Dean", qui signifie
"une profonde vallée boisée, une petite vallée, un creux où
les deux bords du terrain sont en pente.
Le Glen, en Scots, est... unejonquille!!! Tandis que le Chambers Dictionary
of Etymology le désigne dans son sens le plus usuel et
large comme "une profonde vallée". Le mot provient de l'écossais,
vers 1489. En référence à un lieu nommé Glendew, issu lui-même
du gaélique, "gleann", montagne, vallée...
Quelques occurrences dans son oeuvre, à titre
d'exemples, parmi ceux qui comptent double pour moi :
"I don't know whether
you remember, but there were once some children who played at
Jacobites in the ThrumsDen
under Tommy's leadership."
(Tommy and Grizel) [Si je vous parle des Jacobites,
j'en ai pour un mois...]
"One night the Painted
Lady died in the
Den (...)" (Ibidem)
Et n'oubliez pas qu'il est des
fantômes qui hantent le Den... (Chapitre VI de
l'oeuvre susnommée)
"She was still smiling
at him, but her eyes were wet now, and she drew him on to talk
of the days when Tommy was a boy. It was sweet to Grizel to
listen while Elspeth and David told her of the thousand things
Tommy had done for her when she was ill, but she loved best
to talk with Corp of the time when they were all children in
theDen.
The days of childhood are the best."
Oui, les jours de l'enfance sont les
meilleurs de tous, y compris lorsque l'enfance fut une pourriture.
Tout ceci parce que l'enfance est avant tout unregard
que la plupart des adultes
perdent ensuite. La plupart mais pas tous... Ceux-là, épargnés,
sont à la fois des élus et des exclus. Tout se passe comme
si l'enfance essoufflée, versdouze
ans, en ouvrant, pour la première
fois, ses yeux sur le réel, devenait aveugle. Une seconde
paupière recouvre tout à coup le premier regard porté sur
l'univers, une paupière que rien ne peut déchirer sinon peut-être
un don ou bien une incapacité physique et psychique à vivre
dans le monde des adultes. Ces enfants vieux sont des monstres
lorsque les adultes les contemplent de biais, n'osant croiser
leur vision, car ils auraient honte, sans se l'avouer, d'avoir
déserté la scène de leurs émois véritables.
***
BARRIE'S BIRTHPLACE :
Nous remontons le temps,
à l'Origine. Tout a commencé ici. Il n'y a rien à dire de plus.
Il faut apprendre à écouter les murmures des vieilles pierres
et de la terre brune et généreuse de ce pays où les corbeaux
sont rois. Salomon, le monarque des oiseaux, a parlé et a picoré
jusqu'au sang mon coeur.D'une petite goutte rouge est né le
Rêve, celui que font tous les gens comme moi, qui n'ont jamais
rien eu à perdre. Je peux mourir demain. Je suis heureuse.
L'arrière de la maison natale de Barrie
est situé non loin du poste de police de la ville de Kirriemuir,
la petite ville en briques rouges et, néanmoins, la maison de
Barrie est blanche (personne n'a pu m'expliquer pourquoi et
j'enquête sur le sujet).
Elle fait sa révérence presque
en face de la bibliothèque municipale,
où je me suis rendue samedi
en fin de journée avant qu'il ne soit trop tard (tout ferme
à quatre heures de l'après-midi !). J'ai d'ailleurs déniché
une photo de Mary Ansell qui m'était inconnue
dans un livre qui l'était tout
autant et que j'ai commandé sur abebooks.
Les photos de Mary sont rares. J'en connais quatre ou cinq,
pas plus, et il n'existe à ma connaissance aucune photographie
de Jimmy et de Mary ensemble. Je ne désespère pas un jour d'en
découvrir. Il suffit de tourner le coin de la rue pour trouver
la porte d'entrée du 9 Brechin Road.
Nous entrons, cependant,
par le numéro 11, où n'habitaient pas les Barrie, mais toutes
les petites maisons de la rangée jouent au coude à coude et
l'on a fondu le 9 et le 11. On les appelait des "tenements".
Je me demande comment une si nombreuse famille pouvait loger
dans un si petit endroit. Mais il me suffit de me souvenir de
mon propre taudis, celui de mon enfance, pour ne plus me poser
de questions aussi indélicates. Et, à Brechin Road, la vie était
peut-être dure mais néanmoins douillette dans ce nid de verdure
et très proprette, car Margaret Ogilvy était une femme qui tenait
son foyer d'une main de fer. Puis, les morts, y compris les
enfants, faisaient place aux Autres. Et puis le petit Jamie
y trouva son inspiration en faisant de la buanderie son premier
théâtre de poche avec son amiJames
Robb
qu'il reverra bien des années plus tard (il
lui apportera un canari offert par la ville de Kirriemuir avant
que Barrie ne soit fait citoyen d'honneur de la ville)... J'en
reparlerai à l'occasion du prochain billet. Un enregistrement
sonore, qui passe en boucle à l'intérieur de cette cabane, nous
rappelle qu'elle inspirera la maison de Wendy à Never Land.
[La buanderie ou laverie vue de dos, juste
en face de la maison... Elle servait à plusieurs familles.
Ne regardez pas la poubelle, elle n'existe pas.]
Petit tour d'horizon de cette wash-house
:
[Le crocodile n'est évidemment pas d'époque...]
Ensuite, on pénètre par le numéo 11, où se
tient une minuscule boutique de memorabilia
- où vous trouverez, ô sacrilège, la "suite" de Peter Pan écrite
par la Vieille Mégère, cette infâme peau d'écrivaillon aux dents
de lait ; je vois rouge (c'est bien le cas de dire, eu égard
au titre de son torchon) et je dis en français et en anglais
ma colère, mon dégoût ; ma réputation est faite... Je m'en moque...
Puis, toujours au rez-de-chaussée, se tient ensuite une pièce
moderne, une sorte de vestibule pour accueillir le visiteur,
une cuisine, qui jure avec tout le reste. Trois pages d'un manuscrit
de Barrie sont encadrées et accrochées au mur sans aucune mise
en valeur. Il est de très mauvais goût, également, si vous voulez
mon avis, puisque cela casse l'ambiance victorienne ou édouardienne,
de trouver du liquide vaisselle ou un évier en inox en cette
place! Dans cette pièce, est mis à disposition un grand album
rempli de coupures de presse, plus ou moins opportunes, de diverses
époque et je m'empresse de prendre des notes. Je suis en quête
de tout ce que j'ignore - l'essentiel de mes connaissances!
Il me semble que l'on pourrait faire mieux
en terme de présentation, mais je ne sais pas si The
National Trust of Scotland dispose de beaucoup de moyens
financiers. Ceci dit, je me porte volontaire pour aménager différemment
les lieux ! Je retarde le moment d'entrer véritablement dans
le vif du sujet. Je prends de l'élan. Je respire.
La cuisine (en bas) :
La pièce suivante correspond au numéro 9 et
nous sommes réellement dans la maison natale de Jamie. Il y
a une cuisine, plus ou moins bien rétablie dans sa vérité d'antan,
avec des objets authentiques et d'autres moins. Dans cette pièce
était disposé un lit accroché au mur
que l'on a reconstitué d'après les marques
au mur. Au premier étage de la maison, quelques petits aperçus,
puisqu'il est interdit de filmer, hélas... et les photographies
ne sont pas spécialement les bienvenues. Ni tout à fait acceptées
ni tout à fait refusées ; mais l'interdiction n'est vraiment
pas formelle puisque rien n'est mis en place pour l'interdire
et personne ne discute avec vous de ce sujet. De plus, je n'ai
pas utilisé de flash, donc j'ai respecté la valeur de ces pièces
rares et, eu égard au fait que l'on trouve sur internet quelques
clichés, je ne me sens pas coupable d'offrir des images rapides
à mes fidèles lecteurs, sans rien déranger, dérober ou abîmer.
Je suis hélas contrainte de les défigurer avec l'adresse de
mon site, car j'ai appris que certains malfrats
n'hésitent pas à réutiliser à leurs fins personnelles le fruit
de mon travail ! Qu'ils soient assurés que je ne les laisserai
point m'abuser. J'ai toujours partagé avec bon coeur ce que
je possède (la preuve en est, s'il est besoin, ce journal ou
mon site Barrie), mais j'ai horreur que l'on se serve sans mot
dire. Il est permis de toucher les objets avec douceur.
La chambre à coucher par fragments (au premier
étage) :
Une peinture du fidèlePorthosexécutée par un ami de Barrie :
Une photographie
rare de Margaret Ogilvy jeune avec trois de ses enfants,
Alexander, Jane Ann et Mary.
Un objet que je ne peux pas effleurer avec
calme ou indifférence :
Jimmy est né dans un berceau semblable en
tous points, même si celui-ci n'est pas le sien. L'illusion
est parfaite. Une des fameuses chaises que Margaret avait
reçu le jour de la naissance de Barrie. Je ne savais pas réellement
comment traduire au mieux ces "hair-bottomed chairs". J'avais
avancé la vague idée de chaises cannées car j'ignorais l'usage
du crin de cheval en la matière. Nobody's perfect. Maintenant,
je comprends ma grave erreur. L'assise est en crin de cheval
- je le répète pour la troisième fois. Margaret s'y installait
pour allaiter Jamie.
The west Room (au premier étage) : L'ancienne
cuisine du logement. Sur la table présente fut préparé et
lavé le cadavre de David, le frère perdu, qui contient en
lui, comme un fruit vert et déjà blet, les germes ou graines
de Peter Pan. (Photographies à venir.)
Le salon (en bas) :
Le bureau de Barrie ramené de Londres
trône. J'essaie d'en palper les vibrations. Il est protégé
par une plaque de verre, sous laquelle apparaît une marqueterie
très endommagée. Il est usé à droite et à gauche, puisque
Barrie était, vous le savez,ambidextre
- mais gaucher de naissance et de coeur, tout autant que d'imaginaire...
Egalement une banquette ramenée de Londres.
Au-dessus le fameux portrait de Barrie
parSir
John Lavery.
Hommage à Peter Pan (au premier étage)
:
La pièce consacrée à Peter Pan est
ce qui me convainc le moins dans cette maison. Trop moderne,
trop peu magique, trop coloré, trop flashy et infantile ;
le trait est forcé à outrance, à l'opposé de l'oeuvre, et
fait toc ; tout ceci manque deréalisme.
Oui, de réalisme, car derrière le mythe féerique il est question
d'une vérité ultime, celle de chaque être humain et de son
rapport au temps, au vieillissement de son âme et de ses facultés
reçues en don lors d'une sorte de paradis prénatal. Freud
aurait pu tirer toute la quintessence de cette histoire qui
n'a rien d'un conte pour enfant. Le tic tac que l'on entend
dans la pièce et qui scande nos pas me paraît faux ; j'ai
envie de briser le ressort et de hurler que la magie ce n'est
pas l'artifice grossier, mais l'enfance jamais perdue, toujours
réchauffée entre les doigts gourds de cette chiennerie de
vie. Derrière un rideau une petite pièce avec une soufflerie
censée vous donner l'illusion de vous envoler au pays du Jamais.
Je ne souris même pas devant cette naïveté grossière. Mais,
derrière moi, dans un coin de la pièce, une vitrine et un
trésor : deux costumes originaux de la pièce Peter
Pan, dans celui à votre droite il y a une patte de
biche (ou d'un animal de ce genre) qui dépasse d'une poche...
Voici qui me fait de l'oeil. Mon sourire est vaste.
Il est d'autres photographies que je ne montrerai
pas, car j'espère que vous vous rendrez dans cette maison
et je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la découverte
de petits détails charmants. Il existe aussi un mignon jardinet
dédié à Peter Pan plus qu'à Barrie lui-même. Je me suis prise
un instant pour Alice qui pénètre dans le terrier du lapin
en me jetant dans la gueule du crocodile...
Je suis très satisfaite de l'usage de mon
anglais et de ma compréhension miraculeuse de 99 pour 100
de tout ce que j'ai entendu (les écossais n'ont pas l'accent
qu'on leur prête ou bien de la poussière de fée m'a permis
de tout saisir !) mais c'est de mon langage-chat dont je suis
la plus ravie... Oui, car je miaule aussi bien en français
qu'en anglais et je ne connais pas un seul chat qui me résiste.
Celui-ci est venue à moi devant la maison
natale de Barrie...
***
CAMERA OBSCURA :
Les détails techniques
m'ennuient - ce n'est pas de la paresse, mais de l'impatience
- et je ne suis pas encline à faire effort d'expliquer moins
bien que d'autres ne l'ont fait avant moi un procédé simple
dans l'agir mais délicat dans l'exposition, alors je vous
renvoie à la savante description de mes compagnons de vagabondages
intellectuels, si vous ignorez le principe de la chambre
obscure:
-------------------------------
"CHAMBRE OBSCURE, ou CHAMBRE CLOSE, en terme d'Optique,
est une chambre fermée avec soin de toutes parts, &
dans laquelle les rayons des objets extérieurs étant
reçus à travers un verre convexe, ces objets
sont représentés distinctement, & avec leurs
couleurs naturelles, sur une surface blanche placée
en-dedans de la chambre, au foyer du verre. Outre ces expériences
que l'on peut faire dans une chambre ainsi fermée,
on fait des chambres obscures, ou machines portatives, dans
lesquelles on reçoit l'image des objets extérieurs
par le moyen d'un verre. Voyez OEIL ARTIFICIEL.
La premiere invention de la chambre obscure est attribuée
à Jean-Baptiste Porta.
La chambre obscure sert à beaucoup d'usages différens.
Elle jette de grandes lumieres sur la nature de la vision
; elle fournit un spectacle fort amusant, en ce qu'elle présente
des images parfaitement semblables aux objets ; qu'elle en
imite toutes les couleurs & même les mouvemens,
ce qu'aucune autre sorte de représentation ne peut
faire. Par le moyen de cet instrument, sur-tout s'il est construit
conformément à la derniere des trois manières
de le construire dont on parlera plus bas, quelqu'un qui ne
sait pas le dessein pourra néanmoins dessiner les objets
avec la dernière justesse &
la dernière exactitude ; & celui qui sait dessiner
ou même peindre, pourra encore par ce même moyen
se perfectionner dans son art.
(...) Construction d'une chambre obscure, dans laquelle les
objets de dehors seront représentés distinctement
& avec leurs couleurs naturelles, ou de haut en bas, ou
dans leur vraie situation. 1°. Bouchez tous les jours
d'une chambre dont les fenêtres donnent des vues sur
un certain nombre d'objets variés, & laissez seulement
une petite ouverture à une des fenêtres. 2°.
Adaptez à cette ouverture un verre lenticulaire, plan,
convexe, ou convexe des deux côtés, qui forme
une portion de surface d'une assez grande sphère. 3°.
Tendez à quelque distance, laquelle sera déterminée
par l'expérience même, un papier blanc ou quelques
étoffes blanches, à moins que la muraille même
ne soit blanche ; au moyen de quoi vous verrez les objets
peints sur la muraille de haut en bas. 4°. Si vous les
voulez voir représentés dans leur situation
naturelle, vous n'avez qu'à placer un verre lenticulaire
entre le centre & le foyer du premier, ou recevoir les
images des objets sur un miroir plan incliné à
l'horison sous un angle de 45 degrés ; ou enfermer
deux verres lenticulaires, au lieu d'un dans un tuyau de lunette.
Si l'ouverture est très-petite, les objets pourront
se peindre, même sans qu'il soit besoin de verre lenticulaire.
Pour que les images des objets soient bien visibles &
bien distinctes, il faut que le soleil donne sur les objets
[par chance, il faisait grand beau temps pendant tout notre
séjour] : on les verra encore beaucoup mieux si l'on
a soin de se tenir auparavant un quart-d'heure dans l'obscurité.
Il faut aussi avoir grand soin qu'il n'entre de la lumiere
par aucune fente, & que la muraille ne soit point trop
éclairée." L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert
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Nous nous retrouvons dans un univers où
les distances sont confondues, trompeuses, où lilliputiens
et géants se donnent la main. Un peu à la manière de Gulliver,
bien sûr, dans un état d'esprit swiftien fort délectable et
nous nous affalons sur le tapis moelleux de notre imagination.
James Matthew Barrie avait songé
et conçu le projet de cette Chambre Noire à l'intention
des enfants, en premier lieu, afin de les amuser et de les
émerveiller. Il offrit ce cadeau somptueux à Kirriemuir
en 1929 et fut enfin fait citoyen d'honneur de la ville,
ce qui dut le rendre très heureux et ceci constituait une
manière de réconciliation, car les Scots lui en voulaient
un peu de s'être moqué d'eux - ce n'était pas le cas, ou
alors très gentiment, mais cela fut perçu ainsi par certains
- dans ses esquisses de Thrums.
Les écossais, m'explique une
enfant du pays, Sheila, aiment que l'on réussisse dans la
vie, mais pas de manière trop éclatante,
et surtout pas trop loin du lieu natal. Barrie est parvenu
au sommet, mais à Londres... et l'on sait la relation passionnée,
pour ne pas dire pire, qui existe entre les anglais et les
écossais. A juste titre, car je défendrai toujours les écossais.
Je suis une Jacobitefarouche dans mes jeux, comme Barrie,
enfant, le fut dans le bois de Caddam...
Et ses oeuvres en portent la trace :
"The
mystery of woods by moonlight thrilled the little minister.His
eyes rested on the shining roots, and he remembered what hadbeen
told him of the legend of Caddam, how once on a time it was
amighty wood, and a maiden most beautiful stood on its confines,panting
and afraid, for a wicked man pursued her; how he drewnear,
and she ran a little way into the wood, and he followed her,and
she still ran, and still he followed, until both were for
everlost, and the bones of her pursuer lie beneath a beech,
but thelady may still be heard singing in the woods if the
night be fine,for then she is a glad spirit, but weeping when
there is wildwind, for then she is but a mortal seeking a
way out of the wood." The Little
Minister, entre autres exemples.
Nous rencontrons le gardien des lieux.
Je lui demande depuis combien de temps il travaille ici.
Il me répond qu'en réalité il a cessé d'y travailler depuis
10 ans (!) mais qu'il est difficile de trouver quelqu'un
qui accepte de prendre la relève, alors il sort de sa retraite
pour l'agrément des rares visiteurs. Il n'y a aucune lassitude
en lui. Pourtant, il vit dans la solitude d'un gardien de
phare, qui sculpte l'échec des heures avec la faux de la
mélancolie. Parfois, la visite d'un autre camarade de vieillesse,
qui vient remplir des grilles de mots croisés près de lui,
dans l'attente de l'aventureux visiteur, lui tient compagnie.
Il ne lèvera pas le regard sur nous, acharnés à gommer son
journal. Je ne sais pourquoi mais je songe aux allumeurs
de réverbères de jadis. Le guide met une étincelle dans
ses mains et la porte devant mes yeux. Il est le maître
des ombres, du clair-obscur, là-haut, dans la petite chambre.
Il dit de ne pas avoir peur, car il va éteindre la lumière.
C'est un homme sympathique, avec un bel accent écossais,
que je prends et fait tourner dans mon oreille comme sur
un tour de potier. J'ai l'impression alors d'écouter des
bruits fauves et secs dans le ventre d'un coquillage. Mon
bonheur est indécent. Je paierai au centuple, un jour, cette
jouissance de l'instant, je le pressens. On offense toujours
les dieux en proclamant le bonheur.
On se sent menés avec une main sûre d'elle
dans ce voyage immobile. Il actionne pour notre plaisir (nous
sommes seuls, l'endroit est désert, comme chacun des lieux
que nous avons visités, ayant le sentiment à chaque fois d'une
invitation privée) la machinerie féerique. Apparaissent peu
à peu sur l'écran rond, autour duquel on tourne de temps en
temps, des paysages à plusieurs dizaines de miles (jusqu'à
70 miles !). Vous n'imaginez pas l'effet saisissant ! On voit
un chien courir, des enfants sur une balançoire. Si lointains
et si proches. Parfois, il prend une loupe et la pose sur
l'image. On pourrait les prendre dans la main ces bonhommes,
alors qu'ils sont éparpillés à des kilomètres de nous dans
l'espace. On dirait des miettes de pain qu'un géant aurait
semé du ciel sur la terre. Tout est possible.
C'est beau et c'est simple.
Je mange de ce pain-là avec gourmandise.
Petites images extraites de la vidéo réalisée
par "M. Holly", si je puis me permettre de l'appeler
ainsi.
La main de notre guide nous désigne
le Glen Prosen,
lieu de promenade de Jimmy, dont je devrais vous reparler
bientôt, car le voyage n'est pas terminé... et il me reste
des vidéos et des mots à engranger ici.
Cette technique, et on le comprend aisément,
a beaucoup inspiré les peintres.
Je profite de l'aubaine
de rencontrer un habitant de Kirriemuir cultivé et affable,
bien intentionné à l'égard de Barrie, afin de lui demander
des détails sur une de mes recherches depuis quelques mois,
les pierres de Logan.
En effet, le mini-roman de Barrie,Adieu
miss Julie Logan, fait implicitement
référence à ces "rocking stones" et je veux vérifier mes intuitions
et informations sur le sujet. L’Angleterre recèle beaucoup
de ces formations géologiques étranges, de ces pierres énormes
et étonnantes qui, sous l’effet de forces diverses, à différents
endroits de leur stature, peuvent se mouvoir d’avant en arrière,
sans pour autant dégringoler. Une très faible poussée – un
doigt ou un souffle de vent - peut les faire bouger dans un
sens, mais toute la force de plusieurs hommes ne parvient
pas à les mouvoir dans un autre sens. Il en existe à divers
endroits du monde, notamment en Galicie. Beaucoup de légendes
évoquent ces pierres qui se balancent... Qui me lira en saura
davantage un jour... Pour l'heure, je pense être en mesure
d'affirmer qu'il en existait une aux alentours de Kirriemuir
autrefois, à l'époque de Jimmy ou avant sa naissance...
Il ne peut pas me renseigner, pas plus
que ne furent en mesure de le faire ceux à qui je l'ai demandé,
mais il m'indique une autre espèce de pierre, située non
loin, sur le même terrain (pour information, je mesure un
tout petit mètre soixante-sept, ceci afin de vous faire
une idée de la taille de la pierre) :
Kirriemuir recèle beaucoup de pierres,
certaines sculptées, et qui ont un rôle plus ou moins précis
dans le folklore local. Mais je m'éloigne de mon premier
sujet...
***
GLEN PROSEN :
Barrie aimait beaucoup les glens d'Angus.
Lisez-le ! Vous en aurez la preuve. Je suis persuadée que
nos attirances nous révèlent et le paysage écossais, gravé
dans ma mémoire, donnera une autre dimension à mes traductions
et à ma compréhension de l'oeuvre. Ceci est une évidence.
Difficile d'imaginer ces jolis agneaux
et moutons sous forme de côtelettes ou de gigots. Songez-y
au prochain repas dominical... Personnellement, je n'en
ai jamais mangé de ma vie entière. L'idée me révulse. J'aurais
aimé, en revanche, en prendre un dans mes bras.
***
PETER PAN :
Vous l'attendiez tous.
Ne dites pas le contraire ! C'est lui le héros de l'histoire,
même si je lui préfère Hook... (Je ne parle pas de vous,
Jim...) Sur cette place, autour de la statue,
trois bancs sur lesquels sont gravés des citations de Peter
Pan, dont celle-ci :"But
undoubtedly the grimmest part of him was his iron claw."En
face, un hôtel qui ne me séduit pas et qui porte le nom
de Hook.Ne
cherchez pas davantage, le culte de Sir Barrie et de Peter
Pan est très discret dans la ville, malgré les
apparences. Peu de produits dérivés sont vendus - tant mieux,
mais je n'ai pu résister à une Tinker Bell en argent, sous
forme de pendentif, et à un collier porte-bonheur achetés
ici...
Je suis une créature faible.
Clichés
:
[Le Peter Pan du jardin
de la maison natale, à Brechin Road.]
[Le Peter Pan de High
Street.]
***
THE GLAMIS CASTLE :
La fin du voyage
approche... Il serait vain de croire pouvoir tout dire et
tout montrer ici. Il faut préserver un peu d'inconnu pour
le livre à venir et laisser errer mon désir de raconter.
Si, un jour, vous allez rendre visite à Barrie, dans ses
terres, je vous recommande le Lochside
Lodge and Roudhouse Restaurant,
non loin de Kirriemuir - dans la ville même de Barrie, rien
ne me fit envie en terme de logement provisoire, excepté
sa maison natale ou Strathview ! Il n'y a que 6 chambres
dans notre repaire, meublé en pin ciré (mon goût, j'adore
les meubles de ce style-ci), de
manière absolument charmante. J'espère y retourner en 2010
pour les célébrations barriennes prévues - si Dieu me prête
vie. La cuisine est excellente - oubliez vos préjugés !
- et l'endroit situé dans un lieu idyllique, en face d'un
loch (sans monstre marin apparent, sinon des journalistes
de Channel 4 qui nous ont filmés !) :
Il eût été dommage
de ne pas profiter de notre voiture de location pour visiter
les alentours ; c'est ainsi que nous nous découvrîmes un
château de contes de fées cruels comme j'aime à les rêver.
Et, je vous contredis de suite, avant que votre langue ne
se déplie en bouche : il y a un lien avec Barrie ! Petit,
mais réel. L'atmosphère me prit de court dès l'entrée, dans
l'immense allée qui semble taillée sur un continent entier
et que nous remontâmes, avec nonchalance, dans notre Ford
noire. L'entrée se fait par le "Portail du Diable". Oui,
le château de Glamis (ne prononcez pas le "i"), est une
merveille, un avant-goût, peut-être, des frissons que j'espère
éprouver à la visite, bientôt, de
ceuxde Louis
II de Bavière, que ma Fauna appelle le "Roi des
Contes", elle qui est, incontestablement, la reine des miens
et de ses chanceux lecteurs. Je parlerai un jour de la passion
que je partage avec mon amie pour Ludwig
Ce château, outre le fait d'être le lieu où Elizabeth Bowes-Lyon
ou si vous préférez la Reine Mère Elizabeth
(la mère d'Elizabeth II, elle-même la mère du Prince Charles
- précision pour ceux qui ne sont pas férus de généalogie,
mais tout de même...) passa son enfance et où la Princesse
Margaret,
sa fille, naquit (le lien avec Barrie
est là*) est réputé pour être celui qui est le plus hanté
de toute l'Ecosse - ce qui n'est guère étonnant si l'on
considère les meurtres qui s'y déroulèrent et autres abominations.
Il est aussi, vous le savez, en lien avec la pièce de Shakespeare,
Macbeth.Ce dernier étant le Thane [un seigneur
féodal] of Glamis. Ce souvenir impose déjà une certaine
pression sur l'imaginaire et je me fais l'effet d'un étrange
médium d'une autre époque, si lointaine qu'il me faut un
long sommeil pour me souvenir et dériver dans les limbes.
Il y aussi Defoe (un espion à la solde des anglais, le saviez-vous
?) ou bien Walter Scott qui ont écrit sur ce château. Nous
sommes au confluent de plusieurs histoires, réelles et imaginaires.
Croyez-le ou non, mais j'ai eu une expérience
étrange dans les lieux, aventure que je choisis
de ne point évoquer ici, de crainte de paraître encore plus
fantasque que d'ordinaire. J'ai tout de même été approchée
par deux présences particulières pendant mon séjour
en Ecosse. Sachez simplement que je me suis entichée, depuis,
de l'histoire deJanet
Douglas que je m'apprête
à vous conter ici même, trop brièvement, car le temps m'est
autant compté que celui de Hook. Vous trouverez ici des
chardons d'Ecosse, des roses d'Angleterre et les lions de
la famille Lyon. Vous traverserez une crypte, vous serrez
retenu en otage par une côte de maille, dégoûté par d'horribles
têtes de gibier empaillées, ici et là, et une main vous
serrera la nuque sans pour autant vous la briser. "La" fameuse
chambre secrète, qui a fait couler tant d'encre, se situerait
dans l'épaisseur des murs de la crypte. Dans cette pièce,
l'un des seigneurs de Glamis aurait joué aux cartes avec
le Diable lui-même... Aujourd'hui cette pièce est murée
à jamais. Mais il en existe d'autres... L'une d'entre elles
aurait abrité le "monstre de Glamis", le fils premier-né
des arrière-arrière-grands-parents d'Elizabeth, la Reine
Mère. Il aurait été difforme et caché toute sa vie ou bien
noyé. Aucune trace de sa tombe... Personne ne sait s'il
s'agit d'une histoire réelle ou d'une légende ; un livre
de James Wentworth Day, The Queen Mother's Family Story,
accrédite la thèse de l'histoire véridique. Bien avant lui,
dans les cercles (pré-)victoriens, on discutait de l'événement.
En 1880, par exemple, un article anonyme de la célèbre revueAll
The Year around, évoquait
la découverte macabre d'un maçon... On dit
aussi que de nombreux visiteurs, de nuit, furent dérangés
par un géant aux longs cheveux, à quatre heures du matin...
D'autres prétendirent qu'il était de la taille d'une pince
à linge... Les divers Comtes de Strathmore, qui se succèdèrent
comme des dominos, refusèrent de discuter de la chose
et cela encouragea la rumeur. Mais elle n'avait pas besoin
de ce silence pour se faire grosse.
C'est de la chapelle dont, toute
ma vie, je me souviendrai. Non pas que je sois pieuse ou
simplement croyante. Mais la Dame Grise hante les lieux
et l'on suppose qu'il s'agit de Janet Douglas (même si la
chapelle n'existait pas à son époque), Lady Glamis, la malheureuse,
rendue aveugle par l'obscurité de sa cellule et brûlée à
Edimbourg, en 1537, condamnée pour sorcellerie... C'estJames
V, le cruel, qui fut responsable
de son destin tragique. Depuis ce jour, il est une chaise
au fond de la chapelle sur laquelle personne ne s'assoit,
sa chaise. Personne. Personne. Personne. Personne,
exceptés ceux qui en ressentent une irrépressible envie
et qui n'ont pas une main pour les tirer en arrière... Que
leur advient-il ensuite ?
Je n'ai pas le coeur de vous conter l'histoire
du petit garde mort de froid, par une nuit d'hiver, qui
fait maintenant trébucher les visiteurs...
Promenons-nous ailleurs ! Inventons d'autres
légendes.
Les jardins du château sont tellement vastes
que vous n'en ferez pas le tour. Ils ont des visages multiples
: sauvageons ou tracés à l'italienne, parfois entourés d'un
mur ou traversés d'un ruisseau chantant, marqués ici et
là de limites, qui sont celles de la propriété intime des
habitants actuels... Je ressentis une béatitude rousseauiste.
Des spécimens de veaux des Highlands, très
remarquables avec leur frange qui leur tombe dans les yeux,
mais visiblement très craintifs, puisque je n'ai pas réussi
à établir un contact avec eux, malgré mes tentatives aussi
bien en français qu'en anglais...
* Dans sa dernière pièce, The
Boy David, Barrie utilisa une petite phrase de la Princesse
Margaret et promit à cette dernière de lui verser des droits
d'auteur, à chaque représentation. Elle le connut dès l'âge
de... trois ans. Elle disait de Jamie : "Il est mon ami
le plus noble et je suis son amie la plus noble."
En mars 1937, deux mois après la fin de la pièce, le roi
George VI envoya à Barrie une lettre le menaçant de poursuites
si la dette n'était pas acquittée. Barrie adorait ce genre
d'humour et prépara la somme (55 pennies !) mais mourut
avant de pouvoir les remettre en mains propres à l'intéressée...